Depuis plusieurs jours la lutte contre la corruption anime les débats au Mali. Cette actualité doit nous inciter à interroger la stratégie de lutte contre la corruption et les infractions en matière économique et financière mise en place depuis 20 ans.
Depuis les années 2000 le Mali a crée le Bureau du vérificateur général (BVG). Tous les ans ce dernier adresse un rapport détaillé des pratiques qu’il a pu constater au sein des administrations publiques. Lors des 4 premières années de fonctionnement le BVG a documenté un manque à gagner de 102 milliards de Francs CFA. L’Office Central de lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI) créée en 2015 est aussi une autorité administrative indépendante ayant la charge de lutter contre l’enrichissement illicite. Elle fait face à de fortes résistances.
Au niveau de l’administration publique l’Etat a mis en place le Contrôle Général des Services Publics, les Inspections ministérielles, la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration et la Cellule d’Appui à la Réforme des Finances Publiques…. En 2010 a été mis en place un Comité de suivi et d’évaluation du plan national d’actions de mise en œuvre des recommandations des Etats-Généraux sur la corruption et la délinquance financière.
Enfin au niveau de la justice on compte les Pôles économiques et financiers et la section des comptes de la cour suprême.
Le pays dispose de pléthore de structures pour assurer la bonne gestion des deniers publics et punir tous les contrevenants. Pour autant dans un rapport datant de 2018 le BVG a documenté entre 2005 et 2017, 741 milliards d’irrégularités financières. 48 milliards uniquement avaient été recouvrés. 388 dossiers ont été transmis aux autorités judiciaires et administratives et 45 ont connu des suites.
Ce bilan dressé par le BVG pousse à plusieurs constats:
- La multiplication des structures n’a pas contribué à freiner la mauvaise utilisation des deniers publics qui touche tous les secteurs;
- Les acteurs impliqués opèrent en toute impunité ne craignant ni sanctions administratives ni judiciaires;
- La volonté politique est absente sur ces sujets malgré les déclarations très nombreuses entendues au cours des 20 dernières années;
- Ces pratiques ont favorisé l’ancrage d’un système prédateur et clientéliste profitant à une minorité et débouchant sur la crise multidimensionnelle que traverse le Mali;
- Les principaux donateurs ont continué leur assistance malgré ces pratiques rarement suivies de sanctions.
Le Mali doit impérativement se sortir de ces pratiques qui ont accéléré la crise politique. Plusieurs pays qui ont réussi ce pari ont basé leur stratégie sur la création de pôles spéciaux pour judiciariser tous les cas; des exercices d’éducation et de prévention au sein de l’administration et des entreprises pour créer une culture contre ces pratiques et enfin la formation de la population sur les méfaits de ces pratiques. La création d’une entité judiciaire unique doit également être suivie par une simplification administrative en octroyant plus de moyens humain et financier au BVG et en le fusionnant avec OCLEI.
Par ailleurs le pays bénéficie toujours de l’aide au développement et d’un appui budgétaire. La Communauté internationale doit également assumer un rôle dans cette lutte. Certains pays ont été réticents à lutter contre les biens mal acquis ou à restituer les fonds spoliés, cela a encouragé ces pratiques.
Ces stratégies sur le long terme ne peuvent aboutir sans une volonté politique et une implication des populations qui sont les premières victimes de ces pratiques. Le changement s’opère sur le long terme, certains pays ont mis 20 ans avant d’atteindre les objectifs et l’instauration d’une véritable culture opposée à ces pratiques.