Quelques idées sur la démocratie au Mali.

Au Mali, au Burkina Faso et en Guinée trois Présidents ont été renversés à quelques mois d’intervalle. Ces prises de pouvoir par des acteurs armés ont été salués par une partie de la population. Les régimes en place faisaient face à des contestations parfois violentes. Le forcing de Alpha Condé 83 ans, pour accomplir un 3ième mandat aura coûté la vie à plus de 90 personnes selon l’opposition. Au Mali ce sont les résultats contestés des législatives de 2020 qui conduiront le régime à sa perte avec là aussi la mort de plusieurs manifestants. On note un point commun à toutes ces manifestations, une soif de démocratie. Cette soif peut s’expliquer par une dérive observée au sein de nos Etats depuis une quinzaine d’années.

Plusieurs organismes dont Freedom House et The Economist group (EUI) analysent annuellement l’état de la démocratie dans le monde en se basant sur plusieurs dizaines d’indicateurs dont la qualité du processus électoral, le cadre partisan, les libertés, le fonctionnement des institutions ou encore la culture politique. La trajectoire du Mali (qui nous intéresse ici) est significative, le pays est passé selon EIU d’une démocratie considérée comme imparfaite en 2006 à un régime hybride en 2015 et enfin à un régime autoritaire en 2020. C’est une détérioration significative du système démocratique qui se traduit par des Institutions patrimonialisées, des élections ni libres ni équitables, un Etat de droit faible et une corruption généralisée. La dérive vers l’autoritarisme s’accompagne de privation des libertés fondamentales et de l’affaissement du système judiciaire.

Koffi Annan déclarait à juste titre en décembre 2000 à Cotonou que « Les Africains, j’en suis convaincu, ont beaucoup à apprendre sur ce qu’est la démocratie en puisant dans leurs propres traditions et peuvent faire bénéficier les autres de ces enseignements. Nous devons nous pénétrer de l’idée que la démocratie ne se résume pas à la tenue d’élections ni au choix d’un candidat ou d’un parti représentatif de la majorité. » Or c’est la voie qui a été privilégiée.

La période entre 2006 et 2020 couvre les Présidences de Amadou Toumani Touré et de Ibrahim Boubacar Keita, tous deux élus (2002, 2007, 2013 et 2018) et tous deux victimes de coups d’Etat (2012 et 2020). Ces deux régimes qui se sont effondrés avaient une pratique très électoraliste de la démocratie, vidant la possibilité de contrôle par exemple, du fonctionnement des institutions par un contre-pouvoir.

Il est donc intéressant de noter que dans les différents mouvements de contestation observés au Mali les participants portent des revendications qui vont vers le respect des critères d’une démocratie pleine et non uniquement électoraliste. Il ne s’agit pas d’un appel à la mise en place d’un régime militaire, mais plutôt à réclamer une meilleure gouvernance, le respect des libertés fondamentales, des dispositions de la Constitution. Le sentiment de ne pas être écouté ou représenté par les Institutions de la République est également très fort parmi les contestataires, pour qui la rue est devenu l’unique lieu d’expression de leurs frustrations et colères. La perception extrêmement négative de ces systèmes et de ses animateurs a contribué à l’ancrage d’une forme de dégagisme dont la classe politique ne semble s’inquiéter.

Compte tenu de ce qui précède on peut s’étonner de l’émergence du concept de « dictature éclairée ». Comment peut-on considérer que la solution à une dérive autocratique serait encore plus d’autocratie à condition que l’autocrate soit éclairé. A l’heure où les peuples se battent pour plus de liberté, pour plus de prise sur les décisions publiques, cette inanité dévoile chez ses porteurs, une dérive certaine.

Les idéaux de mars 91 sont encore partagés dans la société malienne, mais ne le sont pas pour autant au sein de la classe dirigeante. Ce système à la dérive est le fruit des actions d’une élite qui s’y est complu pour des questions d’intérêts particuliers.  Aujourd’hui la question de la construction d’un système qui permette à tout un chacun de se réaliser est en discussion, or le débat manque cruellement de sérénité, pire des méthodes qui ne brillent pas par leur caractère démocratique sont plébiscitées pour avoir une telle discussion, ce qui est préjudiciable et présage déjà de la difficulté à sortir par le haut d’un tel processus.

Discours de haine: « l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »

Le climat politique se dégrade à mesure que les doutes sur l’issue de la transition persistent. A cela s’ajoute la situation sécuritaire qui se détériore, la profusion de rumeurs et de fausses informations sur l’avenir de l’opération Barkhane et l’arrivée de la société de mercenaires Wagner. Les fractures sont de plus en plus visibles au sein de l’opinion publique conduisant à un déluge de discours haineux sur les réseaux sociaux et les médias traditionnels.

La rhétorique haineuse déployée ces dernières semaines sur les réseaux sociaux et sur certains plateaux doit interpeller les acteurs publics. Ces discours ne sont pas nouveaux, nous avons connu des épisodes où des personnes ont été ciblées du fait de leur appartenance à un groupe ethnique particulier, et d’autres pour leurs idéaux politiques. Ces discours sont favorisés par le climat actuel, et bénéficient aussi de la libéralisation sans contrôle de la parole sur les médias classiques (radios et TV), du boom des réseaux sociaux et enfin la dégradation forte de la qualité du débat public.

Depuis bientôt une décennie, ont émergé sur la scène publique des personnalités au croisement du journalisme et de l’activisme, animant des émissions en « live » où se mêlent sensationnalisme, clash, propagande et intox. Sans formation journalistique, baignant dans le populisme, ces derniers ont contribué à leur façon à installer cette culture de la médiocrité au sein du débat public. Les journalistes de métier dépassés par l’émergence de ces nouveaux profils, lancés dans une course effrénée au buzz leur ont emboîté le pas.  Cette insuffisance se maintient et croît, car elle bénéficie d’un soutien financier de personnalités, de groupuscules et parfois de certains Etats qui entendent tirer un profit politique.  

La qualité du débat public est impactée par ceux qui l’animent, leur manque de formation et de professionnalisme a permis aux idées haineuses de se diffuser dans l’opinion. Une partie y adhère d’autant plus aisément que ces discours offrent une vision simpliste des situations alambiquées. Elle n’est pas outillée pour avoir un regard critique sur l’information qu’elle reçoit. Elle sert donc « d’arme » entre les mains des commanditaires pour atteindre des objectifs politiques qui passent par la division de la société en strates antagonistes.

Les exemples sont nombreux et s’adaptent à toutes les situations. Nous avons connu dans les années 90, 2000 et 2012 (au cours de rebellions armées) des messages haineux ciblant des groupes ethniques particuliers. Ces derniers ont été désignés comme des « ennemis de la Nation ». La violence verbale a débouché sur une violence physique avec des pertes en vies humaines. La même mécanique s’est installée au centre du pays avec un amalgame entre une communauté et des groupes armés.

Dans certains cas l’objectif est de détourner l’opinion public de certains enjeux politiques, dans d’autres il est de de cibler des personnes pour des luttes politiques, comme on a pu le voir au moment des manifestations du M5 RFP en 2020 où tout une rhétorique a été développée autour de la prétendue double (triple) nationalité des dirigeants de l’époque. Ces « arguments » se sont installés et ils sont utilisés pour expliquer par exemple, que l’échec de l’éducation nationale serait dû aux enfants binationaux des Ministres. Peu importe si en 60 ans on ne trouve que quelques exemples poussiéreux pour soutenir cette thèse.

Ces discours de haine relèvent du fascisme, le danger en plus de diviser la société et de ne laisser aucune place au débat constructif est de justifier la violence physique car les cibles sont déshumanisées. La trajectoire du débat public est inquiétante, la disqualification et la haine de l’autre tendent à se normaliser, ces discours sont repris et amplifiés par des réseaux de faux comptes opérant à l’intérieur et à l’extérieur du pays, ils sont aussi repris par des citoyens qui se font les relaient de ces idées.

Ces discours attisent les conflits et dans un contexte aussi fragile, il est important que les voix s’élèvent pour s’y opposer, notamment celles des acteurs politiques responsables, la société civile et les autorités judiciaires.

Péril en la demeure

En février 2021 Moctar Ouane alors Premier Ministre du pouvoir intérimaire, avait dévoilé devant le Conseil National de Transition (CNT) le plan d’action de son gouvernement comportant « 6 axes déclinés en 23 objectifs, adossés à 275 actions à évaluer à travers 291 indicateurs. ». Parmi les mesures phares, on retrouve la dissolution des milices, la relecture de l’Accord, la sécurisation du territoire, reforme de la justice, de l’éducation etc…

Le 15 avril 2021, le Ministre de l’administration territoriale avait annoncé que l’élection présidentielle devait se tenir le 27 février 2022. Auparavant le référendum Constitutionnelle allait lui se tenir le 31 octobre 2021, il serait suivi des communales et des régionales.

Dès la divulgation des plans du pouvoir intérimaire, plusieurs doutes ont surgit notamment en raison de timing très serré, des moyens financiers limités et enfin des questions sécuritaires. En effet l’organisation d’une élection demande du temps de préparation (plusieurs mois), de l’argent (environ 96 milliards de Francs CFA) et la sécurité dans les zones de déploiement du matériel électoral.

Pour justifier ces plans ambitieux les acteurs invoquent la tenue d’assises nationales en septembre 2020 et les conclusions du Dialogue national inclusif (2019). Des processus désormais ancrés dans un même bloc dogmatique. Notons qu’ils partagent des caractéristiques similaires tant sur le fond que sur la forme. Des caractéristiques qui devraient plutôt pousser à observer des réserves plutôt qu’à s’y accrocher avec l’énergie du désespoir.

En juin 2021, le nouveau Premier ministre intérimaire, nommé le même mois, annonce à son tour l’organisation d’un processus de Dialogue. Rappelons que selon le chronogramme mentionné ci-dessus, nous sommes à 4 mois de la tenue du référendum constitutionnel et à 7 mois de la présidentielle.

Selon l’hebdomadaire Jeune Afrique, le nouveau Premier Ministre intérimaire souhaite « établir un diagnostic partagé de la gravité et de la profondeur de la crise traversée » par le pays et de prendre conscience « des enjeux, des défis et des vulnérabilités structurelles » soit reprendre ce qui a déjà été fait 3 fois depuis 2017, en prenant en compte la tenue de la conférence d’entente nationale.

Beaucoup d’éléments laissent à penser que les autorités intérimaires pourraient se servir de ces assises « New look » pour demander une prolongation de la durée de l’intérim. Cette décision qu’elles présenteront comme émanant du « peuple souverain » sera ainsi exposée à la Communauté internationale qui aura le choix entre maintenir la pression pour la tenue des élections et s’opposer alors à une soi-disant demande du peuple souverain ou « l’accompagner ».

Ces assises permettraient non seulement de justifier la prolongation de l’intérim, mais également de renforcer la position du Premier ministre sur l’échiquier politique. Si les membres au gouvernement intérimaire ne peuvent participer à l’élection présidentielle, cela ne les empêche pas de renforcer leurs partis politiques en élargissement leurs bases selon une mécanique clientéliste bien rodée et qui a déjà fait ses preuves.

Et le Mali dans tout cela  ? La situation économique se détériore avec une hausse des prix des biens de première nécessité, les exonérations sont des mesures temporaires qui coûtent aux contribuables. Le Covid19, la situation sécuritaire et l’incertitude politique entretiennent cette instabilité des prix dans notre économie fortement dépendante des importations.

Sur le plan sécuritaire, les groupes radicaux étendent leur influence aux alentours de la capitale et notamment sur les axes vitaux la reliant aux ports sous-régionaux. S’ils parviennent à installer une insécurité sur ces axes l’approvisionnement difficile du pays va contribuer à faire grimper les prix. Par ailleurs comme dans la Région de Mopti, ils pourraient aussi prélever sur les transporteurs des sommes d’argent en échange d’une relative sécurité et ces fonds viendraient alimenter une caisse servant à financer leur lutte. Notons d’ailleurs que selon la dernière étude Malimètre de la Fondation Friedrich Ebert publiée en juin 21, dans les régions de Kayes et Sikasso, plus de 50% de la population estime que la situation générale du pays s’est détériorée au cours des douze derniers mois.

Depuis longtemps et sur tous les théâtres, les groupes radicaux ont bien appris à profiter des pronunciamientos, des errements politiques et des atermoiements de la communauté internationale pour tisser leur toile, gagner les cœurs et offrir une alternative politique loin de la science des assises. La somme des événements de ces derniers mois au Mali ne plaide pas en faveur d’une amélioration de la situation dans un avenir proche, mais plutôt pour un approfondissement de la crise. Il y a donc péril en la demeure.

Edito: Répondre à la crise sociale et économique pour sortir par le haut.

Le 19 juin 2020 pour la seconde fois plusieurs milliers de maliens étaient sortis à l’appel du Mouvement du 5 juin (M5) regroupant des associations religieuses et des hommes politiques de divers bords. Alors que le Président de la République avait ouvert la voie à un dialogue avec la « rue » lors de ses deux sorties du 7 et du 9 juin 2020 , les positions se tendaient à l’Assemblée nationale, où son Président traitait le 17 juin 2020, les manifestants de « jihadistes » alors qu’un autre député accusait la rue de « déconner » et parlait de « décapitation ».

Il faut dire que la pression monte drastiquement et que les manifestants continuent à placer la barre assez haut en réclamant toujours, la démission du Président de la République, ce qui conduirait à reconnaître une vacance du pouvoir conformément à l’Article 36 de la Constitution. Dans le même temps, ils réclament une dissolution de l’Assemblée et de la Cour Constitutionnelle (CC). Ces conditions préalables à une sortie de crise proposées, peuvent conduire à la suspension de la Constitution et la mise en place d’une autorité transitoire, voire d’une Constituante.

A mon sens il faut accepter de dépasser à présent le cadre des querelles juridiques, en effet les manifestants ici réclamant le départ du Président expriment avant tout un ras le bol général. La situation économique est peu reluisante malgré les chiffres macroéconomiques, la lutte contre la pauvreté est handicapée par plusieurs facteurs dont la démographie, le conflit armé, mais aussi, par un manque de vision politique. Il faut ajouter à cela le fait que la parole publique ne soit plus jugée comme crédible et que la confiance ne règne plus entre dirigeants et dirigés.

Les leaders du M5 ont bien saisi cette frustration des populations et appuient là-dessus pour mobiliser au maximum et ratisser large. Étrangement, les membres de la majorité installés dans une posture de défense des Institutions ne font pas la même analyse et s’arc-boutent sur ces positions. Or ce qui est remis en cause par la rue c’est la répartition des richesses, la politique économique, sécuritaire, l’éducation, le manque de perspectives, et c’est là où il faut apporter des réponses structurelles. Le peuvent-ils encore là est la question.

Mais cette position n’est pas pour autant surprenante, la majorité peine à communiquer son bilan aux populations, chose qui aurait permis d’ériger une première ligne de défense. En effet La situation sécuritaire ne s’est pas vraiment améliorée, la situation économique non plus et que dire de la situation sociale avec des crises à répétition à l’hôpital et à l’école. A contrario le Président semblait l’avoir bien compris et dans une stratégie de désescalade il s’était empressé d’apporter une solution à la crise des enseignants en début de semaine dernière demandant l’application de l’Article 39. Il était déjà trop tard et paradoxalement cela semble avoir galvanisé les manifestants sentant le vent tourner en leur faveur et la possibilité d’obtenir plus en continuant le combat.

Aujourd’hui les positions peuvent sembler irréconciliables mais des pistes de sortie de crise existent et consistent à redonner espoir aux maliens, redonner foi en l’avenir, promouvoir la justice sociale, l’équité, la méritocratie, et surtout « libérer l’économie ».

Ne nous y trompons pas, remplacer Pierre par Paul n’est finalement qu’anecdotique et comme en 2012 ce pays a besoin d’un traitement de choc pour inverser les tendances.

Covid 19: Vers un nouvel ordre mondial?

Alors que le décompte des victimes du COVID 19 au niveau mondial se poursuit, cette pandémie met à nu les fragilités des Etats. Les réponses politiques se maintiennent pour tenter de freiner l’évolution de la maladie et consécutivement à ces mesures sanitaires, des voix s’élèvent en Afrique pour demander la « révision » d’un système global, intégrant la question des relations entre le nord et le sud.

Alors que le décompte des victimes du COVID 19 au niveau mondial se poursuit, cette pandémie met à nu les fragilités des Etats. Les réponses politiques se maintiennent pour tenter de freiner l’évolution de la maladie et consécutivement à ces mesures sanitaires, des voix s’élèvent en Afrique pour demander la « révision » d’un système global, intégrant la question des relations entre le nord et le sud. Cela s’est exprimé par la profusion d’idées émanant de nombreux intellectuels africains.

A y regarder de plus près, il est communément admis que les rapports entre les Etats sont régulés par leurs attributs de puissance (poids militaire, politique, et économique) et pour l’instant la pandémie n’a pas remis en cause ces attributs permettant à de nouvelles puissances d’émerger. On suppose alors que le bouleversement demandé se baserait sur la bonne foi des dominants qui décideraient de bon cœur qu’ils seraient égaux des plus faibles. Une lecture bien candide des relations internationales donc.

Pour illustrer les rapports de force qui me paraissent bien ancrés à ce stade, il nous faut observer les jeux politique dans les grandes organisations internationales comme l’ONU/l’OMC, où la place des Etats africains restent marginales dans les prises de décisions. D’abord elles ne financent pas ces Organisations, mais en sont plutôt bénéficiaires, et si on de base sur l’organisation du commerce mondial, l’Afrique subsaharienne représente à peine 2% des échanges commerciaux au niveau mondial. Ainsi le Continent n’est pour le moment pas en mesure d’affirmer dans ces espaces d’expression politique sa souveraineté.

Il est par ailleurs intéressant dans le même temps, d’observer les nouvelles puissances qui émergent au niveau mondial comme la Chine, l’Inde et le Brésil, ces pays investissent massivement en Afrique, pas par bon cœur, mais parce que cela s’s’inscrit dans une politique globale de croissance et d’affirmation de leur rang de puissances mondiales. Le Continent est riche en opportunités et est un lieu d’affrontement entre les anciennes puissances et celles émergentes. Mais il n’est pas le lieu d’affirmation de la puissance des Etats africains. Ces derniers subissent donc globalement la politique mondiale sur leur propre sol. Il n’est donc pas incohérent d’affirmer, au regard de la situation mondial que les Etats d’Afrique subsaharienne, sont dans l’ensemble des Etats fragiles qui peinent à affirmer leur souveraineté depuis la fin de la colonisation. Leur souveraineté est sans cesse remise en cause par de nombreux intervenants, qu’ils soient étatiques ou privés.

De plus les différentes politiques mises en place par ces pays ou par les partenaires bilatéraux ont été des échecs. D’ailleurs, la comparaison entre les pays d’Afrique subsaharienne ceux d’Asie du sud est impitoyable, on constate qu’en moins de 40 ans il y a eu un véritable décrochage économique entre ces deux zones. Ceux qu’on appelle les « tigres » ou les « dragon », malgré des régimes politiques « imparfaits » ont massivement réussi leur transformation agricole et industrielle, quand en Afrique les dirigeants s’embourbaient dans des politiques de développement qui ont eu des résultats forts mitigés. Alors que les populations asiatiques sortent de la pauvreté en masse, qu’une classe moyenne émerge, l’Afrique peine à amorcer ce basculement et les vieilles recettes qui ont échoué continuent à être prisées.

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Un nouvel ordre mondial émerge autour de la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, la Turquie et dans une moindre mesure l’Afrique du Sud. Les pays d’Asie du Sud-Est ne sont pas en reste, avec tous les bouleversements au niveau mondial, et le déplacement du commerce mondial vers la zone pacifique, ils seront en première ligne. Pour ces acteurs, s’implanter en Afrique et y concurrencer les puissances occidentales est primordiale, ne serait-ce que pour l’accès aux matières premières, mais pas uniquement, il s’agit aussi de gain sur le plan politique mondial. La question pour nous africains est de savoir comment tirer profit de ce nouvel ordre, comment faire en sorte de ne pas à nouveau être en marge.

 

Il convient donc de dire qu’un nouvel ordre mondial ne se décrète pas par des vœux pieux, des grands discours creux à Sotchi ou ailleurs, il se construit à travers une politique concrète avec des objectifs et des moyens.

La pandémie ne bouleversera pas l’ordre mondial et les rapports de forces se maintiendront, avec des pays d’Afrique subsaharienne qui dans leur globalité resteront en périphérie sur le plan politique.

Sur le plan économique, la tendance n’est clairement pas à l’apparition d’une agriculture performante soutenue par une industrie qui permettent d’absorber les 50% de personnes vivant avec moi de 1.25 dollars par jour, dans un proche avenir. Or ce sont là des pistes qui permettront à ces pays de jouer un rôle au niveau mondial, à défaut il demeureront des acteurs marginaux.

La mauvaise gouvernance, l’idéologie dominante de ces 40 dernières années.

La mort des idéologies, a donc des conséquences qui vont au-delà de la simple formation personnelle des individus, elle a des impacts sur la société en générale. La nature, ayant horreur du vide, notre société s’est donc organisée autour d’un système de mauvaise gouvernance qui a été érigé en modèle cyclique.

Le Mali possède une population très jeune, 47% a moins de 20 ans, ce qui est un atout considérable, par rapport à d’autres pays plus développés, mais vieillissants. Cette jeunesse n’a pas connu la révolution de mars 1991, elle n’est pas non plus familière avec la pensée du père de l’indépendance Modibo Keita, ou d’autres figures comme Kwameh Nkrumah, Sékou Touré. Idem pour les figures historiques comme Samory Touré, El Hadj Oumar Tall, Mohamed Touré Askia etc…. Elle est une jeunesse mondialisée, qui vit à l’heure d’internet, notamment pour les plus urbanisés.

De la construction idéologique

Entre 15 et 30 ans, c’est la période où l’on se construit et affirme ses opinions, jadis c’était les thèses communistes-trotskystes étaient à la mode, on rejetait l’impérialisme postcolonial, et l’on considérait les sociétés socialistes plus justes, face au capitalisme.

De nos jours, on remarque un affaiblissement, voir une disparition des idéologies, les jeunes ne lisent plus autant que leurs ainés, et les grands penseurs africains, on moins d’influence que par le passé. Leur pensée, a peu à peu disparu laissant place à une pensée universelle, et à des sociétés uniformes, moins fracturées sur le plan idéologique.

Au regard de la tournure prise par les débats de société, et de la conception de la citoyenneté, on peut constater que cette génération souffre de cette mort progressive de ce que l’on peut appeler les « idéologies africaines ».

La mondialisation des idées, un frein à l’émancipation?

On peut considérer comme « idéologie africaine », une interprétation du monde ou de sa propre situation, c’est-à-dire un ensemble d’idées sur la structure de la société, ses conflits et ses modes de résolution de crise. Il s’agirait donc de prendre en compte les réalités africaines dans notre mode de pensée, et non appliquer à la lettre des théories plus adaptées aux sociétés européennes. Cela d’autant plus ; que lorsque l’on regarde nos Constitutions, nos Lois, nos Institutions, elles sont en inadéquation avec nos réalités, mais l’on s’efforce de s’y tenir, comme si on espérait obtenir le même succès que ces pays dont on s’inspire.

Avoir une vision locale, sur des problèmes locaux, et adopter une solution locale, est une idée à laquelle beaucoup de maliens seraient prêts à souscrire, cependant peu seraient aptes à donner du contenu à ces théories, et cela est dû à une faible connaissance de notre propre histoire et des idées developpées au fil des générations. Nous ne partons pas du néant.

On peut penser que l’éducation nationale a joué un rôle important dans ce décrochage, l’histoire nous est enseignée de manière chronologique, sans pour autant s’attarder sur le contenu. Elle est purgée de sa dimension idéologique, quand dans les cours de philosophie, on n’hésite pas à expliquer la conception de l’Etat selon Rousseau, Tocqueville, comme pour dire qu’il fallait s’inspirer de ceux-là, et que les autres modèles que nous avons connus ne représentent que des dates et rien d’autre. Quand on sait que Tombouctou, Djenné, Gao ont vu passé à leurs apogées des grands théologiens et penseurs, comme Ahmed baba, Mohamed Bakayoko, on ne peut que regretter cette démarche.

Les intellectuels maliens ne sont pas mis en avant, ils sont condamnés à écumer les foires aux livres pour la promotion de leurs livres, auprès d’un public là aussi déjà acquis à leurs causes, ils ne parviennent pas à diffuser leurs idées auprès de leurs compatriotes.

L’échec des leaders politiques à exister sur le plan idéologiques

Les partis politiques qui sont des réceptacles et des promoteurs d’idées, peinent à convaincre autour de projets de société construit sur une vision, et répondant aux besoins. Il y a la volonté de conquérir le pouvoir, mais les raisons évoquées sont très souvent assez généralistes. Ils veulent tous lutter contre la pauvreté, envoyer les enfants à l’école, investir dans l’agriculture. Quelle modèle de scolarité, quelle type d’agriculture, quelle forme de société équitable ? A ces questions vous n’aurez que très peu de réponses. La politique n’est plus le lieu de la confrontation des idées, mais celui des ambitions personnelles.

La pensée politique montante est religieuse, le haut conseil islamique a travaillé la jeunesse, qui face aux impasses peut considérer qu’une société régit par l’islam serait la solution. Il ne s’agit pas de dire si cette montée est dangereuse ou non, mais de constater que ce mouvement existe, et il a les moyens de ses ambitions.

Conclusion

La mort des idéologies, a donc des conséquences qui vont au-delà de la simple formation personnelle des individus, elle a des impacts sur la société en générale. La nature, ayant horreur du vide, notre société s’est donc organisée autour d’un système de mauvaise gouvernance qui a été érigé en modèle cyclique. Il ne serait pas exagérer de dire que, le système de mauvaise gouvernance, constitue le modèle dominant, il n’a pas de concurrent, chacun se plait à vouloir le combattre, sans pour autant proposer un modèle alternatif.

IBK est fragilisé mais qui peut le battre?

5 Premiers Ministres en 5 ans.

Voici donc le record battu par le Président IBK, aucun Président avant lui n’avait usé autant de PM en si peu de temps, cela dit beaucoup de sa conception du pouvoir, et des rapports que doivent entretenir un PR et son PM, au-delà de ces considérations, cela dit également beaucoup de l’état dans lequel se trouve le microcosme politique au Mali.

Sur les 5 PM, deux ont été démis de leur fonction, il s’agit de Moussa Mara et de Modibo Keita, quant aux deux autres, ils ont décidé d’abandonner, du fait de divergences avec le PR sur la composition de l’équipe gouvernementale.

Concernant Abdoulaye Idrissa Maiga, il est l’unique PM issu du parti Présidentiel, le RPM et était bien parti pour rester contrairement aux bruits médiatiques, mais face à la difficulté à former une équipe Gouvernementale, ce dernier s’est résolu à jeter l’éponge. Impossible pour lui de concevoir le retour de certains ministres dans le Gouvernement, y compris ceux issus de son propre parti, dont il exècre la gestion et les comportements, qu’il juge déloyaux. De bilan, il n’en a pas, impossible en un si court laps de temps, d’avoir un quelconque impact sur le quotidien des Maliens.

Le choix de SBM est avant tout un choix logique, plus que de calculs politiciens, l’homme est omniprésent depuis 1992, tantôt conseiller, tantôt ministre, il a été de tous les régimes, et en est un pur produit du système. Il possède une solide assise politique, et est sans doute moins clivant que AIM, son parti membre de la majorité présidentielle avec 4 Députés, ne représente pas une menace directe pour le PR, enfin il est le dernier dans l’entourage du PR à posséder la carrure d’un Pm, avec le réseau qui va avec.

Difficile de connaitre le bilan de ses 27 années passées dans les couloirs du pouvoir, même si certains s’égosillent à vouloir en faire un surhomme, un stratège comme disent-ils. Ministre des affaires étrangères de ATT, Ministre de la défense de IBK en 2014, il a été des grandes défaites politiques et militaires du Mali face à la rébellion, même si sa responsabilité n’est pas directement engagée. En matière de sécurité, il sait de quoi il parle et maitrise les sujets, et c’est là le risque, celui d’un PM qui miserait tout sur le sécuritaire, se souciant peu du social, la grande lacune de la gestion du pouvoir actuel.

Le choix de SBM apparait donc comme logique sous certains angles, mais ne permet pas au PR, d’engranger des points sur le plan politique en tant que tel. Cependant la composition politique du Gouvernement révèle dores et déjà les manœuvres pour l’élection présidentielle de 2018, les Ministres issus des partis membres de la majorité héritent de portefeuilles plus importants comme l’éducation nationale, ou les affaires étrangères, les personnalités clivantes ou trop visibles faisant de l’ombre sont écartées, provisoirement, et celles qui ont échoué simplement remerciées.

Il ne reste que 8 mois avant la Présidentielle, en politique les choses sont lentes, SBM aura surement à cœur d’organiser des élections, c’est le seul aspect sur lequel il sera jugé, difficile dans les conditions actuelles, d’imaginer une quelconque amélioration de la situation sociale ou sécuritaire, ce Gouvernement pléthorique sera plus préoccupé par les positionnements politiques que par l’expédition des taches courantes, nous sommes dans une année électorale après tout.

Ce remaniement à minima témoigne également de la confiance du pouvoir actuel, en sa capacité à se faire réélire en 2018, il faut dire que l’opposition en face n’est pas dans un meilleur état et cherche toujours un angle d’attaque cohérent, qui puisse fédérer la foule des mécontents. Cette opposition tantôt virulente tantôt absente, ne s’est pas structurée, et n’apparait pas pour l’instant comme étant une alternative crédible. Sa stratégie se base sur le rejet du PR, une stratégie qui ne peut garantir la victoire. Qu’a-t-elle à proposer pour la résolution de la crise au nord, pour le pouvoir d’achat des maliens ? Motus et bouches cousues ! L’intellectualisme de l’opposition est en déphasage avec l’opinion nationale.

Il témoigne également de la confiance que le PR place en ses hommes, au-delà du parti qui a plus profité de son élection qu’autre chose. Le RPM, parti présidentiel, n’a jamais réussi non plus à fédérer autour de lui, et n’a jamais pesé idéologiquement sur la politique menée par le Gouvernement, la majorité s’est construite autour IBK  et non autour de son parti, dont les dirigeants n’ont jamais aspiré à être des forces de proposition, se contentant de défendre la politique menée, quand bien même ils n’y étaient nullement associés.

Les partis politiques traditionnels sont usés, ils ne sont plus des réservoirs d’idées, mais de redoutables machines à mobiliser lors des élections, surtout lorsque cette mobilisation est motivée. La démocratie malienne souffre de la décrépitude des partis politiques qui en sont pourtant les acteurs principaux. La conséquence de tout cela c’est l’émergence de mouvements alternatifs, qui bien que mal structurés attirent de plus en plus de monde par un discours cru et démagogique, qui séduit. Les électeurs seront-ils prêts à franchir ce pas ?

Bonne et heureuse année 2018 !

Les lecons que le Premier Ministre doit tirer de sa visite au Centre.

Abdoulaye-Idrissa-MAIGA-1-696x394Le Premier Ministre Abdoulaye Idrissa Maiga était en visite dans le delta central du 3 au 6 novembre, accompagné d’une forte délégation, dont faisait partie le Président de l’Assemblée nationale et une dizaine de Ministres.

En plus de l’inauguration de la route Ouo-Bankass-Koro, cette visite a été l’occasion pour le Premier Ministre de se rendre à Ténenkou, Youwarou, Kouakourou et Soumpi, pour apporter son soutien aux populations et aux Forces de défense et de sécurité.

Cette visite intervient dans un contexte politique et sécuritaire particulier, les élections pour les Présidents de Région, les Conseillers des cercles, et certaines communes doivent se dérouler le 17 décembre, de plus fin octobre, le Député Niang, Président de la Haute cour de justice avait échappé de peu à une embuscade tendue par des éléments armés radicaux. Le bilan sera de 7 morts.

Le Premier Ministre avait donc plusieurs messages à faire passer à travers cette visite,  montrer la détermination du Gouvernement à organiser les élections, favoriser le retour de l’administration dans ces zones délaissées et paradoxalement entériner le contexte « d’insécurité résiduelle ».

Il y a ce que l’on veut bien croire, ce que l’on veut bien montrer et ce qui est. La zone allant de la foret de Ouagadou (frontière mauritanienne), à Boulkessy dans le cercle de Douentza à la frontière burkinabé est aujourd’hui partagée entre différents groupes armés radicaux, qui attaquent tous les jours, sans repris les FDSM, les voyageurs, les forains, les humanitaires, et la Minusma. Ces hommes qu’ils soient de JNIM ou d’Ansarul Islam, font des prêches dans les mosquées, attaquent des écoles, des églises, à longueur de journée. Si bien qu’en dehors des grands centres urbains, il n’y a plus de présence de l’Etat.

Durant sa visite on a dénombré plus de 8 incidents sécuritaires, ayant causé une dizaine de morts, ceci est l’enseignement fondamental que doit tirer le PM de sa visite dans la partie centrale du pays. Des populations complètement désabusées, laissées à la merci d’individus qui font régner leur loi sans être inquiétés.

Aujourd’hui, les groupes armés radicaux sont arrivés à étendre leur pouvoir et leur influence sur des centaines de villages et hameaux, ils y ont installé, une administration et des tribunaux qui tranchent les litiges. Ils organisent les grands évènements comme la transhumance. Les FDSM qui font des opérations ponctuelles, ne peuvent se stabiliser dans ces zones sous influence terroriste, et les populations dans ce cadre refusent de collaborer avec elles, car une fois le départ de l’armée elles sont à la merci des radicaux qui n’hésitent pas à tuer ceux qu’ils appellent les collaborateurs.

Le message que doit faire passer le PM, est que l’insécurité n’est pas résiduelle, elle est permanente, et jusque-là les politiques qui ont été mises en œuvre, où que l’on tente de mettre en œuvre, comme le Plan de sécurisation intégré des régions du centre, ne sont pas dotées des moyens nécessaires pour ne serait-ce qu’entamer le redéploiement de l’administration.

Ces visites concentrent une bonne dose de mise en scène, certes, mais cela ne doit pas faire penser au PM qu’il n’y a pas une énorme frustration au sein de ces population, frustration qui a pu conduire certains à  avoir de la sympathie pour les radicaux, le retour de l’administration doit également se faire en prenant en compte cet aspect, il ne doit pas se faire, en reprenant les mauvaises habitudes.

Enfin, il doit se poser la question de la crédibilité des élections à venir, les régionales, mais également les Présidentielles, qui pourra accomplir son devoir citoyen et dans quelles conditions? La région sera-t-elle stabilisée d’ici un an pour pouvoir aller paisiblement vers des élections transparentes?

De nombreuses questions subsistent, et elles sont trop sérieuses pour faire l’objet d’une quelconque utilisation politique. Il ne s’agit pas de dire, j’ai été sur le terrain tout va bien, mais de faire prendre conscience à tous de l’ampleur de la situation, une situation qui si elle ne reçoit pas un traitement humain et mesuré risque de devenir irréversible.

 

Que penser de l’interview du Président IBK?

Le Président de la République du Mali Monsieur Ibrahim Boubacar Keita a accordé une interview à la télévision nationale, au cours de laquelle il a évoqué essentiellement la situation sociopolitique du Pays. ibkEn effet depuis le mois de juillet et l’annonce du Référendum portant sur la révision de la Constitution du Mali, le Président fait face à une forte opposition d’une plateforme composée de partis politiques et de groupements de la société civile. De plus au mois d’aout les choses ont commencé à se dégrader avec la présumée tentative d’assassinat d’un des membres de la Plateforme Madou Kanté, et le retour d’un autre activiste Youssouf Bathily, condamné à un an de prison, qui a mobilisé un millier de jeunes dans les rue de Bamako.

Ras-Bath-Bathily

Le Président de la République intervient également au moment où, les partisans de la réforme Constitutionnelle, à savoir la majorité a déjà perdu la bataille de la rue et des arguments. Il ne se trouve plus personne pour aller défendre le projet, et le référendum qui devait être organisé le 9 juillet 2017 a été reporté sine die, mais pas abandonné. La Plateforme maintient donc la pression sur le Président afin de le pousser à abandonner, ce qui serait un tour de force considérable à un an de la Présidentielle.

Face à la situation, le Président a repoussé le referendum pour se donner le temps de faire le « travail » convenablement, c’est à dire consulter les grands ordres de la Nation. Depuis trois semaines maintenant il consulte à tour de rôle, explique le projet et fait de la pédagogie. Cela aurait sans doute du être la première étape avant de se lancer dans le débat.

Concernant la réforme Constitutionnelle, le Président a avancé l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali qui demande la mise en place d’un Sénat qui permettrait d’intégrer les chefferies traditionnelles dans les instances de discussions. Cependant c’est oublier de dire que le problème ne se situe pas au niveau de la participation de ces dernières à l’exercice du pouvoir, mais aux modalités. Le fait que ce soit le Président de la République qui désigne 1/3 des sénateurs est le point de blocage essentiel. Une solution aurait été de proposer à la place du « Sénat » un conseil des sages de la Nation, composé d’une cinquantaine de membres, qui opèreraient bénévolement, et qui seraient consultés sur toutes les questions de la Nation. Pour ne frustrer personne, l’ensemble des chefferies traditionnelles, religieuses et coutumières du Mali sont connues, les postes pourraient donc etre rotatifs. D’autres articles également font l’objet de contestation.

 La séquence politique à ce niveau n’est pas très réussie, s’il a montré par son attitude une certaine sérénité, son intervention n’a pas été de nature à mobiliser son camp ou à calmer les tensions, bien au contraire elle a radicalisé l’opposition qui désormais lui a fixé un ultimatum pour retirer le projet.

Enfin le Président s’est ému du sit-in organisé devant l’Ambassade de France par certains mouvements de la société civile pour dénoncer « la partialité » de la France, qui selon eux soutiendrait ouvertement la CMA dans sa lutte fratricide contre le Gatia. Il a rappelé l’appui de la France en janvier 2013, mais aussi dans la mise en place du G5 sahel. Ce message est surtout adressé à la France et a vocation à la rassurer quant aux intentions des autorités maliennes. manif franceIl a vocation également à empêcher que ce mouvement ne s’amplifie. Sur le terrain-là il a raison de vouloir ménager ses alliances, même si dans les coulisses du pouvoir on ne se prive pas de critiquer certaines positions adoptées par ce pays ami. Sur ce point-là il n’a pas d’emprise réelle, car la dénonciation des interventions de la France dans ses anciennes colonies est générale et ne se limite pas au Mali. Le risque  de cette position est d’apparaitre comme étant un Président soutenu par la France pour protéger ses intérêts. Ce débat existera toujours, et il n’y peut pas grand-chose.

Globalement, le Président a voulu montrer l’image d’un homme au fait de la situation politique du pays, qui refuserait de se plier au diktat de la rue, mais dans des démocraties plus abouties que la nôtre, nous avons vu la rue faire plier des régimes bien plus solides. Au fond, ce que les maliens attendent surtout de lui c’est d’apporter des solutions qui garantissent l’unité nationale et la concorde, et qui prennent en charge les besoins des communautés en souffrance.

 

L’Accord pour la paix en question.

Les affrontements entre les parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, ont freiné le processus, et posent plusieurs questions sur son avenir.

Il nous faut faire un bond en arrière, revenir en Mai 2014, lorsque des affrontements meurtriers opposent l’armée malienne et la Coordination des mouvements de l’Azawad à dominante Ifoghas, dans la ville de Kidal, suite à la visite du Premier Ministre Moussa Mara. L’armée malienne sera vaincue et boutée hors de la ville. Suite à cela la CMA décidera de « vider » la ville de tous les soutiens de l’Etat malien, parmi lesquels des membres de la Communauté Imghad, pas tout à fait acquis à leur cause.

Cet évènement, entrainera la création du Groupe touareg imghad et alliés, qui formera  la Plateforme avec le Mouvement arabe de l’Azawad branche lemhar et le groupe d’autodéfense songhay CMFPR 1. L’objectif du Gatia était selon les dires de ses fondateurs, de protéger la communauté Imghad contre les « persécutions » des Ifoghas, détenteurs du pouvoir local. Cependant, il faut noter qu’un fort ressentiment existait  déjà entre ces deux communautés.

De 2014 à nos jours, ces deux groupes, se sont affrontés à de multiples reprises, pour des raisons liées au partage du pouvoir politique, aux divers trafics dans la zone, et pour des vengeances liées aux évènements qui se seraient passés lors des soulèvements passés.

L’Accord pour la paix, connait des difficultés majeures, du fait de ce cycle de violence entre deux des principaux signataires. Toutes les mesures consensuelles ont été bloquées, ou vidées de leurs substances, ce qui n’est pas de nature à permettre une application efficiente. L’Accord est fortement impacté par le manque de confiance entre ces deux communautés, qui paraissent aujourd’hui irréconciliables.

Lorsque dans un pays, deux communautés fortement armées, décidées à en découdre menacent la paix et la stabilité, il est du rôle des pouvoirs publics d’intervenir et de tout faire pour rétablir la paix et la concorde. Sauf que dans le cas présent, l’Etat est plutôt en position de faiblesse, et semble reticent à s’impliquer dans cette crise.

L’Accord pour la paix et plus généralement, la Communauté internationale sont sous le feu des critiques, on reproche notamment à la Minusma et à la force Barkhane une forme de duplicité, et une prétendue volonté de maintenir le conflit au Mali pour des intérêts occultes. C’est trop vite oublier que si aujourd’hui l’Accord est dans l’impasse c’est le fait des parties elles memes, qui ont ignoré le calendrier de mise en  œuvre de l’Accord, qui prévoyait le cantonnement, le DDR dans une période de 60 jours après la signature de l’Accord, et qui ont préféré débattre six mois des indemnités et de la prise en charge des membres du Comité de suivi de cet Accord, ainsi que de la place de chacun autour de latable, laissant la voie libre aux opposants de la paix.

C’est ignorer également que dans le même laps de temps deux initiatives, visant à contourner les dispositions de l’Accord pour la paix ont été prises par les parties, il s’agit de la rencontre intercommunautaire d’Anefis, puis du forum de Kidal, pour un résultat nul.

La paix ne reviendra pas dans le septentrion tant qu’on ne prendra pas en compte l’ensemble des facteurs régissant ce conflit intercommunautaire, et parmi ses facteurs, il y a la question d’Iyad Ag Ghali, dont on sait qu’il a mis en garde les leaders de la CMA contre l’installation du MOC à Kidal, qui signerait le retour de l’Etat et du Gatia dans la ville.

L’Etat doit s’impliquer dans le conflit et trouver une solution consensuelle qui permette de satisfaire toutes les parties, sans verser dans le cosmétique. La solution à ce conflit est un préalable pour l’application sincère de l’Accord pour la paix. La situation impacte toutes les régions, de plus, ces deux groupes étant au niveau politique de la mise en œuvre de l’Accord, mettront tout en œuvre pour bloquer le processus, tant que ce conflit ne s’éteindra pas.

Il y a besoin donc de définir une nouvelle stratégie entre parties maliennes, et un nouveau calendrier, pour d’une partie donner une reponse politique à ce conflit communautaire, puis débuter le processus de désarmement une fois la confiance installée. Le leadership appartient à l’Etat, aux décideurs deprendre les décisions adéquates.