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Les transitions politiques n’ont pas changé l’histoire du Mali

On les appelle Président de la transition, Vice-Président de la transition et Président du Conseil national de la transition. Les organes mis en place au lendemain de la chute de Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) ne laissent planer aucun doute, le Mali serait bien dans une nouvelle transition politique après celles de 1968, de 1991 et de 2012.

On peut entendre par transition politique “un intervalle entre un régime politique et un autre”.  On distingue 4 types de régimes politiques, un totalitaire (Nazis par exemple), un autoritaire (Chine, Iran, Corée du Nord etc…) et un libéral (Canada, Suisse…). A ceux-là s’ajoutent les régimes hybrides qui oscillent entre démocratie et autoritarisme. 

The Economist Intelligence Unit’s Democracy Index

En 1991 le Mali est passé d’un régime autoritaire à un Régime à priori démocratique. D’ailleurs le pays a longtemps été présenté comme le champion de la consolidation démocratique. C’est à partir de 2008, en même temps que Hong Kong, que le pays a rejoint le groupe des régimes hybrides. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il s’agissait d’une démocratie libérale entre 1992 et 2002.

La transition de 1991 a abouti à un coup d’Etat en 2012 celle qui a suivi également mené à un coup d’Etat en 2020. A y regarder de plus près, on retrouve dans la gouvernance du regretté Amadou Toumani Touré et de IBK les mêmes éléments, à savoir le clientélisme politique, le népotisme, la mauvaise gouvernance, le manque de justice et surtout une personnification des Institutions. Le pays n’a jamais atteint la phase de consolidation démocratique, l’hybridité finissant toujours par s’imposer.

Si l’on veut analyser les échecs des transitions, on doit s’interroger sur les actions des acteurs de plusieurs catégories. D’abord la Communauté internationale, cette dernière a une mauvaise lecture du concept de transition politique qui a dans les faits une portée limitée pour elle. En l’occurrence parler de transition politique permet au mieux d’accorder une certaine légitimité/légalité aux nouveaux acteurs politiques locaux et autorise les différents intervenants de la coopération internationale à poursuivre leurs actions. La finalité pour eux ne se trouve pas dans les reformes politiques fondamentales, mais dans l’élection d’un Président et d’une Assemblée nationale.

Pour les élites locales de 68 à nos jours, une transition politique est un lieu de lutte pour la conservation ou l’accession aux pouvoirs politiques et/ou économiques. Une avancée sur la gauche peut conduire à des reculades sur la droite. L’adaptation est la valeur cardinale, il faut maintenir le statu quo tout en donnant l’impression de bouger.

Pour les populations, les transitions sont annonciatrices d’espoir, elles sont pour beaucoup la fin d’un calvaire et la possibilité d’écrire une nouvelle page des relations entre gouvernés et gouvernants. Pour les élites locales qui récupèrent les dividendes politiques de l’exploitation des colères de la population, il n’est pas envisageable de les laisser influer sur le processus. L’échec de 2012 est en partie dû à ce resserrement de la transition autour des élites, qui comme on l’a dit plus haut ont plus d’intérêts à maintenir un statu quo.

Concernant la transition de 2020 et avec 5 mois de recul, on peut noter qu’elle n’est pas foncièrement différente de celle de 2012, les discussions sur la reforme Constitutionnelle ou sur la Loi électorale ne peuvent constituer en aucune façon une remise en cause d’un système hybride. L’urgence sécuritaire, les intérêts des élites et le poids de la Communauté internationale ont de nouveau peser.

La « lumière » est en quelque sorte venue des débats qui ont eu lieu en France après la mort tragique de cinq de leurs soldats. Sans reforme politique majeure est-il imaginable d’instaurer l’autorité de l’Etat sur des territoires où il est contesté depuis plusieurs décennies? Le fait que ces aspects politiques aient été négligés au détriment du militaire explique ce sentiment d’enlisement. La transition politique aurait pu par exemple constituer le lieu de dessiner un consensus national y compris avec ceux des groupes extrémistes qui seraient prêts à discuter.

Reconnaissons qu’il n’y a pas une stratégie universelle permettant de conduire à une transition politique, mais il vaut mieux tirer les leçons des expériences passées et éviter de reproduire les mêmes erreurs.

Après tout le mouvement perpétuel est pour certain un rêve qui n’en finit pas.

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Engager des pourparlers de paix avec le GSIM dans les conditions actuelles serait contre-productif

Depuis les conclusions de la Conférence d’entente nationale en 2017, et celles du Dialogue national inclusif en 2019, l’idée de l’ouverture de négociations avec le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) a fait son chemin. L’argument principal soutenant cette action est le manque de progrès enregistré malgré 8 années d’approche militaire.

Depuis les conclusions de la Conférence d’entente nationale en 2017, et celles du Dialogue national inclusif en 2019, l’idée de l’ouverture de négociations avec le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) a fait son chemin. L’argument principal soutenant cette action est le manque de progrès enregistré malgré 8 années d’approche militaire.

Cette idée a été progressivement reprise publiquement par une partie de l’élite politique malienne. Plus discrètement elle a fait son chemin au sein de la hiérarchie militaire, avec des sentiments mitigés.

Malgré les bons sentiments qui animent les tenants de cette solution il est important d’observer certaines réserves et d’avoir une vision plus large de ce changement de stratégie.

Les éléments du GSIM ont appliqué une stratégie de violence absolue en attaquant les forces de défense et de sécurité maliennes, mais également les populations civiles. Par exemple plusieurs villages de la commune de Mondoro ont subi entre 2017 et fin 2019 une violence inouïe, faite d’enlèvements, d’assassinats, de famine organisée par des blocus, d’utilisation d’engins explosifs ayant visé des femmes et enfants. Ce « management de la sauvagerie » visait à pousser les populations locales à la reddition, ce qui fut fait sous la forme d’un accord négocié. Les populations ne doivent plus collaborer avec l’administration, les forces armées maliennes et tous les litiges doivent passer par un « tribunal islamique ».

Le même scenario est observé dans au moins 5 zones du centre dont le Kareri, où les villageois souffrant de la faim se sont pliés aux conditions imposées par les éléments du GSIM après 2 années de violence. Parmi ces conditions, là encore l’interdiction de toutes collaborations avec les représentants de l’Etat qualifiés de « Tawaghits » « qui gouvernent par une autre loi que celle d’Allah ». Pour le GSIM la violence et la terreur sont des moyens pour atteindre leurs objectifs politiques, ils doivent aboutir à la reddition de l’adversaire et à l’installation d’un régime islamique.

Le GSIM sait à côté de la violence faire preuve d’habilité politique, c’est ainsi que ces leaders se sont toujours dit disponibles au dialogue en posant comme condition première le départ de la Minusma et de la France. Par cette posture ils savent pouvoir compter sur le soutien de ceux qui sont favorables aux négociations et farouchement opposés à la présence de la Minusma et de Barkhane.

L’idée de négociations tant vantée par les autorités est apparue dans un contexte, où l’armée malgré des centaines de milliards d’investissements ne parvient pas à gagner du terrain.

En effet, l’ancien Président de la Commission de Défense de l’Assemblée nationale aimait rappeler que le pouvoir avait investi massivement dans la remise à niveau de l’armée. La loi de programmation militaire prévoyait des achats d’équipements, d’aéronefs, et de divers matériels qui auraient permis à l’armée de s’adapter pour faire face à la menace.

Or au fur et à mesure que des investissements étaient annoncés, l’armée perdait du terrain et les attaques meurtrières du GSIM puis de l’état islamique mettaient en lumière sa faiblesse. De plus, dès 2014 la presse malienne n’a cessé de révéler des affaires de malversation et de détournements de fonds. Pour faire court la remise à niveau n’a pas eu lieu.

Enfin, les stratégies n’ont jamais été claires et les opérations des FDSM notamment au centre du pays ont longtemps été entachées par des accusations d’exactions de la part des organisations de défense des Droits de l’Homme.

En conclusion la mauvaise gouvernance et le manque de stratégie ont plombé les capacités du Mali à faire face aux groupes armés. On peut légitimement se poser la question des progrès réalisés malgré 8 années d’investissements et de formation. Face à cette situation l’ouverture de négociation peut être interprétée comme un aveu d’impuissance de la part des élites qui constatent qu’elles n’ont pas été en mesure de construire un appareil de défense efficient.

Par ailleurs, le Ministre des affaires étrangères de la France a pour sa part, rappelé que la question des négociations avec le GSIM ne se posait pas. La France maintiendrait sa stratégie qui est d’affaiblir les groupes armés, permettre aux forces locales de monter en puissance, et avoir la maitrise du terrain. Cette stratégie doit également s’accompagner d’actions de développement et de progrès sur le plan politique.

Dans les faits les deux postures ne sont pas irréconciliables, et l’intérêt pour les autorités maliennes serait de maintenir le dialogue, tout en misant sur la pression militaire. Cependant tant que cette pression militaire est uniquement exercée par la force Barkhane, l’appel à la négociation apparait comme un aveu de faiblesse.

« La guerre est un acte de violence engagé pour contraindre l’adversaire à se soumettre à notre volonté ». Clausewitz

Les pourparlers sont certainement une étape importante, mais la communication des autorités maliennes qui donnent l’impression de courir derrière le GSIM est contre-productive et sonne comme un aveu d’impuissance masqué derrière « la volonté du peuple. » Il est tout à fait louable de vouloir mettre fin à un conflit meurtrier, cependant la position de faiblesse dans laquelle se trouve l’Etat lui ferait rejoindre la table de négociation en extrême fragilité. De plus des questions se posent sur la stratégie de dialogue. Se fera-t-il avec la CMA et la Plate-forme ou isolement?

Certains responsables affirment que l’idée serait de diviser le mouvement en attirant les plus « modérés » vers l’Etat. Quelles sont les données sur ces modérés ? Là aussi il y a beaucoup de spéculations.

Enfin, quid de la justice pour les victimes des groupes armés radicaux et de la lutte contre le terrorisme. Seront-elles marginalisées au nom de la paix, comme c’est le cas aujourd’hui dans le processus d’Alger?

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(2)Interroger et reformer notre démocratie

La période de transition s’ouvrant constitue une occasion nouvelle offerte aux maliens d’interroger le système démocratique offert après la révolution de 1991. Ce sujet fondamental nécessite un débat approfondi, afin de corriger les manquements qui ont conduit aux coups d’Etat de 2012 et 2020.

Le Mali est une jeune démocratie. Ce régime politique est une nouveauté sur des territoires où prédominaient des pouvoirs héréditaires parfois de droit divin, auxquels ont succédé l’administration coloniale et l’Etat post-colonial. Le pays ne peut donc se prévaloir de la même expérience que certaines démocraties ayant plusieurs siècles d’existence.

Il convient de rappeler que la révolution de 1991 est le fruit de la lutte du peuple. Ce dernier a donc opté pour un modèle où il serait entendu à travers le choix libre de ces représentants par le biais d’élections transparentes et l’érection d’institutions démocratiques. Dans ce système les élus ont pour mandat d’exercer le pouvoir au nom de la population dans le souci du bien public et de l’intérêt général.

  • Elections

L’élection peut être pris comme un des critères d’évaluation de la marche démocratique d’un pays. Lors des premières présidentielles de 1992, Alpha Oumar Konaré a été élu avec 600000 voix et un taux de participation proche de 22%. En 1997 le taux de participation était de 29% et le même a été élu avec 1 millions de voix. En 2007 ATT a été élu avec 1.6 millions de voix et une participation à 38%. En 2013 la participation était de 48% avant de retomber à 42% en 2018. A titre de comparaison au Bénin il était de 64% en 1991, et de 88% en 1996. Mathieu Kerekou a obtenu plus de voix en une seule (2001) élection que AOK en deux.

Les législatives n’ont pas connu une participation supérieure à 35% quand elles n’ont pas été tout simplement annulées comme en 1997. En 2002, 1 200 000 cartes d’électeurs n’avaient pas été retirées. En 2007 le taux de participation était de 33% En 2020 elles ont été fortement contestées et ont en partie conduit au renversement du Président IBK.

Le principe démocratique veut que l’élu soit représentatif de la population. Si l’on s’appuie sur la présidentielle de 2018, IBK a été élu avec 1 798 632 voix. Cela représente 21% des inscrits et 8% de la population totale. Arrivé second Soumaila Cissé lui représente en poids des inscrits 10% et en poids de la population totale 4%.

Depuis l’avènement de la démocratie aucun Président n’a été élu avec une majorité d’inscrits. Les maliens boudent les élections. Par ailleurs chaque élection a été marquée par des accusations de fraudes sur le fichier électoral, de bourrages d’urnes et des achats de vote.

Il faut donc s’attacher à régler la question de la participation des citoyens au choix de leurs représentants. Sa faiblesse pourrait s’expliquer d’une part par les barrières administratives, mais aussi par un désintérêt des populations accentué par l’émergence de pratiques politiques qui ont pu conduire à une rupture entre l’élu et l’électeur.

Le manque d’instruction peut aussi être considéré comme un frein à une participation politique plus active, mais il ne peut expliquer à lui seul le désintérêt des populations pour le scrutin. Cette catégorie de population a d’ailleurs été ciblée par les programmes expliquant les droits politiques et incitant à participer aux élections. On peut prendre pour exemple l’émission « A nous la citoyenneté » ou d’autres programmes similaires diffusés sur les TV et radios locales.

  • Représentativité sociologique

Par ailleurs, la question de la représentativité ne doit pas uniquement se poser en termes de suffrages exprimés mais aussi en terme sociologique (revenus, classe sociale…). Or on note du fait de la pratique politique depuis 1991 l’émergence d’une « bourgeoisie politique » avec des « entrepreneurs politiques » propulsant l’argent comme la clé d’intégration dans le milieu politique. De ce fait les populations ne sont pas vraiment représentées dans leur diversité. Une véritable ploutocratie s’est installée avec une noblesse politique qui concentre les pouvoirs politiques et économiques.

II est d’ailleurs intéressant de constater que dans la quête d’amélioration de la marche démocratique, certaines plateformes ont fait des propositions réclamant la mise en place comme critère pour être élu député la possession de diplômes universitaires. Cette proposition s’inscrit pourtant contre le principe même de la démocratie et renforcerait au contraire son caractère élitiste. En effet un individu dont les parents feraient de la politique dans les conditions actuelles bénéficiera d’une meilleure éducation et pourra à priori prétendre plus aisément à occuper le même rôle politique dans la société. Nous aurions alors un système « dynastique » excluant une partie de la population. Une personnalité comme l’ancien syndicaliste et Président Brésilien Lula n’aurait jamais pu être élu dans un système similaire.

  • Des partis politiques peu démocratiques

Enfin, la question du fonctionnement des partis politiques et des relations qu’ils entretiennent avec les populations est une illustration supplémentaire de l’échec de la démocratisation du Mali. Leur fonctionnement est vertical, clientéliste et semi-autoritaire. Ils sont coupés des populations mais aussi des militants.

En effet, les partis sont organisés autour d’une élite (là aussi le pouvoir de l’argent est présent) supposée représenter les militants de base, lorsqu’ils existent. Dans la pratique ces derniers ne sont que rarement consultés, uniquement en période électorale. Ils ne disent mot dans la définition de la ligne politique du parti, et les tentatives rares d’organisation de primaires ont surtout été marquées par des arrangements internes entre ténors.

Les acteurs du système démocratique au sein des partis ne sont plus perçus comme des représentants des populations mais comme une noblesse dans l’Etat avec laquelle elles entretiennent des rapports d’argent. La marche démocratique qui exclut la population et la recherche de l’intérêt collectif a nécessairement débouché sur un système instable et contesté continuellement.

  • Conclusions

Ce système aux apparences démocratiques, a un impact négatif sur la manière dont les lois sont appliquées, l’acceptation des décisions du gouvernement et la responsabilité politique des élus par rapport à la société civile. Dans ces conditions il est difficile de pouvoir bénéficier des progrès promis par la révolution de 1991.

Pour parer à ce désintérêt plusieurs expérimentations sont possibles. La démocratie participative locale permet de consulter les populations sur des sujets d’intérêts et permet de renforcer leur participation à la vie de la cité, de recréer du lien entre les institutions et les citoyens. Le sujet étant de ne pas consulter les populations sur des décisions déjà arrêtées, mais qu’elles soient entendues réellement.

Avec le développement des nouvelles technologies il est tout à fait possible d’imaginer des mécanismes allant dans ce sens. Concernant les élections on doit s’intéresser à d’autres modes de scrutin et notamment le vote unique transférable. Ce système favorise une meilleure représentation proportionnelle des minorités et contourne la mainmise des partis politiques. Il polisse également les coalitions opportunistes que les partis politiques bâtissent pour conquérir le pouvoir et auxquels l’électeur doit adhérer ou s’abstenir. Cela veut également dire la fin du régime semi-présidentiel pour un régime parlementaire. Il a ses inconvénients aussi comme la possibilité d’une instabilité parlementaire.

Il nous faut trouver des mécanismes qui améliorent la qualité de la démocratie et pour cela il faut promouvoir de nouvelles pratiques, qui changeront les rapports entre citoyens et représentants. La transition est donc le lieu de réfléchir à toutes ces réformes.

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Mali: nos challenges méritent des réponses structurelles

Les contestations politiques au Mali mises en exergue par les manifestations de ces dernières semaines sont un épisode de plus dans l’histoire tumultueuse du Mali. Il serait dommageable de ne pas affronter ces défis et de nous contenter de mettre la poussière sous le tapis et faire l’autruche. Pour trouver des solutions à cette énième épisode nous devons à mon sens prendre en compte sa dimension certes hautement politique, mais également une économique, qui est le grand absent des divers débats actuellement en cours.

Il est important sur le plan politique d’interroger le processus de consolidation démocratique au Mali. Les critères d’évaluation sont nombreux, on peut retenir l’ancrage de l’Etat de Droit, une bureaucratie fonctionnelle et l’absence de clientélisme institutionnel. Partant de là il est aisé pour chacun de constater des failles dans l’émergence d’un Etat de droit, la présence d’un clientélisme institutionnel et des difficultés pour la mise en place d’une bureaucratie efficace permettant de mettre en œuvre la vision des pouvoirs publics. Nous pouvons donc arriver à la conclusion que la consolidation démocratique a connu des ratés depuis 1991.

On remarque par ailleurs, dans le détail que les Institutions se sont recroquevillées sur elles-mêmes ne servant plus que les intérêts de petits groupes et se coupant des populations. Cela a conduit à une situation de contestation forte au cours de la dernière décennie. A cela est venu se greffer en toute logique l’affaissement de l’Etat que certains qualifient de faible, fragile ou de faillit. Ce qu’il faut retenir c’est qu’il ne remplit plus son rôle régalien.

Sur le plan économique le « Plan de développement économique et social » (PDES) du Président ATT ou encore la politique socialiste du Président Alpha Oumar Konaré se sont heurtés à plusieurs défis aussi bien internes qu’externes. Sur le plan interne ces politiques ont été plombées par un manque de vision et une définition claire des objectifs à atteindre, ainsi que par la corruption et la mauvaise gouvernance. Sur le plan externe nous avons été entrainés dans un cycle de libéralisation et de mise en pratique de politiques décidées par des technocrates à Washington apposant des recettes inadaptées à notre économie.

Ainsi nous avons basculé dans la désindustrialisation, la destruction d’emplois stratégiques et l’ouverture de nos marchés sans filet de sécurité pour les producteurs locaux. La conséquence est que nous ne parvenons pas à réduire le chômage des jeunes, à faire émerger une classe moyenne (capable d’influencer positivement la politique nationale) malgré des chiffres macroéconomiques flatteurs.

Ainsi si nous amoncelons des défis politiques caractérisés par un déficit d’institutionnalisation et des défis économiques caractérisés par un manque de vision stratégique et de résultats en matière de lutte contre la pauvreté et le chômage insuffisants.

Il est difficile pour le moment de savoir quelle sera l’issue de cette énième crise, mais il est impératif que nous apportions des réponses à ces défis pour continuer à exister en tant que pays et pour aller vers la construction d’un avenir commun. Répondant à la fois à la crise politique et économique nous participerons à apporter une réponse à la crise sécuritaire.

Ce travail de réflexion et de reconstruction profond doit aboutir à une doctrine solide identifiant des objectifs clés en fonction des moyens locaux. Il doit être porté par les intellectuels, la société civile, les leaders religieux, coutumiers mais aussi par les hommes politiques. Il ne doit souffrir d’aucune instrumentalisation politique, les enjeux étant cruciaux.

Nos challenges méritent des réponses structurelles.

Quelques idées sur la démocratie au Mali.

Au Mali, au Burkina Faso et en Guinée trois Présidents ont été renversés à quelques mois d’intervalle. Ces prises de pouvoir par des acteurs armés ont été salués par une partie de la population. Les régimes en place faisaient face à des contestations parfois violentes. Le forcing de Alpha Condé 83 ans, pour accomplir un 3ième mandat aura coûté la vie à plus de 90 personnes selon l’opposition. Au Mali ce sont les résultats contestés des législatives de 2020 qui conduiront le régime à sa perte avec là aussi la mort de plusieurs manifestants. On note un point commun à toutes ces manifestations, une soif de démocratie. Cette soif peut s’expliquer par une dérive observée au sein de nos Etats depuis une quinzaine d’années.

Plusieurs organismes dont Freedom House et The Economist group (EUI) analysent annuellement l’état de la démocratie dans le monde en se basant sur plusieurs dizaines d’indicateurs dont la qualité du processus électoral, le cadre partisan, les libertés, le fonctionnement des institutions ou encore la culture politique. La trajectoire du Mali (qui nous intéresse ici) est significative, le pays est passé selon EIU d’une démocratie considérée comme imparfaite en 2006 à un régime hybride en 2015 et enfin à un régime autoritaire en 2020. C’est une détérioration significative du système démocratique qui se traduit par des Institutions patrimonialisées, des élections ni libres ni équitables, un Etat de droit faible et une corruption généralisée. La dérive vers l’autoritarisme s’accompagne de privation des libertés fondamentales et de l’affaissement du système judiciaire.

Koffi Annan déclarait à juste titre en décembre 2000 à Cotonou que « Les Africains, j’en suis convaincu, ont beaucoup à apprendre sur ce qu’est la démocratie en puisant dans leurs propres traditions et peuvent faire bénéficier les autres de ces enseignements. Nous devons nous pénétrer de l’idée que la démocratie ne se résume pas à la tenue d’élections ni au choix d’un candidat ou d’un parti représentatif de la majorité. » Or c’est la voie qui a été privilégiée.

La période entre 2006 et 2020 couvre les Présidences de Amadou Toumani Touré et de Ibrahim Boubacar Keita, tous deux élus (2002, 2007, 2013 et 2018) et tous deux victimes de coups d’Etat (2012 et 2020). Ces deux régimes qui se sont effondrés avaient une pratique très électoraliste de la démocratie, vidant la possibilité de contrôle par exemple, du fonctionnement des institutions par un contre-pouvoir.

Il est donc intéressant de noter que dans les différents mouvements de contestation observés au Mali les participants portent des revendications qui vont vers le respect des critères d’une démocratie pleine et non uniquement électoraliste. Il ne s’agit pas d’un appel à la mise en place d’un régime militaire, mais plutôt à réclamer une meilleure gouvernance, le respect des libertés fondamentales, des dispositions de la Constitution. Le sentiment de ne pas être écouté ou représenté par les Institutions de la République est également très fort parmi les contestataires, pour qui la rue est devenu l’unique lieu d’expression de leurs frustrations et colères. La perception extrêmement négative de ces systèmes et de ses animateurs a contribué à l’ancrage d’une forme de dégagisme dont la classe politique ne semble s’inquiéter.

Compte tenu de ce qui précède on peut s’étonner de l’émergence du concept de « dictature éclairée ». Comment peut-on considérer que la solution à une dérive autocratique serait encore plus d’autocratie à condition que l’autocrate soit éclairé. A l’heure où les peuples se battent pour plus de liberté, pour plus de prise sur les décisions publiques, cette inanité dévoile chez ses porteurs, une dérive certaine.

Les idéaux de mars 91 sont encore partagés dans la société malienne, mais ne le sont pas pour autant au sein de la classe dirigeante. Ce système à la dérive est le fruit des actions d’une élite qui s’y est complu pour des questions d’intérêts particuliers.  Aujourd’hui la question de la construction d’un système qui permette à tout un chacun de se réaliser est en discussion, or le débat manque cruellement de sérénité, pire des méthodes qui ne brillent pas par leur caractère démocratique sont plébiscitées pour avoir une telle discussion, ce qui est préjudiciable et présage déjà de la difficulté à sortir par le haut d’un tel processus.

Discours de haine: « l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »

Le climat politique se dégrade à mesure que les doutes sur l’issue de la transition persistent. A cela s’ajoute la situation sécuritaire qui se détériore, la profusion de rumeurs et de fausses informations sur l’avenir de l’opération Barkhane et l’arrivée de la société de mercenaires Wagner. Les fractures sont de plus en plus visibles au sein de l’opinion publique conduisant à un déluge de discours haineux sur les réseaux sociaux et les médias traditionnels.

La rhétorique haineuse déployée ces dernières semaines sur les réseaux sociaux et sur certains plateaux doit interpeller les acteurs publics. Ces discours ne sont pas nouveaux, nous avons connu des épisodes où des personnes ont été ciblées du fait de leur appartenance à un groupe ethnique particulier, et d’autres pour leurs idéaux politiques. Ces discours sont favorisés par le climat actuel, et bénéficient aussi de la libéralisation sans contrôle de la parole sur les médias classiques (radios et TV), du boom des réseaux sociaux et enfin la dégradation forte de la qualité du débat public.

Depuis bientôt une décennie, ont émergé sur la scène publique des personnalités au croisement du journalisme et de l’activisme, animant des émissions en « live » où se mêlent sensationnalisme, clash, propagande et intox. Sans formation journalistique, baignant dans le populisme, ces derniers ont contribué à leur façon à installer cette culture de la médiocrité au sein du débat public. Les journalistes de métier dépassés par l’émergence de ces nouveaux profils, lancés dans une course effrénée au buzz leur ont emboîté le pas.  Cette insuffisance se maintient et croît, car elle bénéficie d’un soutien financier de personnalités, de groupuscules et parfois de certains Etats qui entendent tirer un profit politique.  

La qualité du débat public est impactée par ceux qui l’animent, leur manque de formation et de professionnalisme a permis aux idées haineuses de se diffuser dans l’opinion. Une partie y adhère d’autant plus aisément que ces discours offrent une vision simpliste des situations alambiquées. Elle n’est pas outillée pour avoir un regard critique sur l’information qu’elle reçoit. Elle sert donc « d’arme » entre les mains des commanditaires pour atteindre des objectifs politiques qui passent par la division de la société en strates antagonistes.

Les exemples sont nombreux et s’adaptent à toutes les situations. Nous avons connu dans les années 90, 2000 et 2012 (au cours de rebellions armées) des messages haineux ciblant des groupes ethniques particuliers. Ces derniers ont été désignés comme des « ennemis de la Nation ». La violence verbale a débouché sur une violence physique avec des pertes en vies humaines. La même mécanique s’est installée au centre du pays avec un amalgame entre une communauté et des groupes armés.

Dans certains cas l’objectif est de détourner l’opinion public de certains enjeux politiques, dans d’autres il est de de cibler des personnes pour des luttes politiques, comme on a pu le voir au moment des manifestations du M5 RFP en 2020 où tout une rhétorique a été développée autour de la prétendue double (triple) nationalité des dirigeants de l’époque. Ces « arguments » se sont installés et ils sont utilisés pour expliquer par exemple, que l’échec de l’éducation nationale serait dû aux enfants binationaux des Ministres. Peu importe si en 60 ans on ne trouve que quelques exemples poussiéreux pour soutenir cette thèse.

Ces discours de haine relèvent du fascisme, le danger en plus de diviser la société et de ne laisser aucune place au débat constructif est de justifier la violence physique car les cibles sont déshumanisées. La trajectoire du débat public est inquiétante, la disqualification et la haine de l’autre tendent à se normaliser, ces discours sont repris et amplifiés par des réseaux de faux comptes opérant à l’intérieur et à l’extérieur du pays, ils sont aussi repris par des citoyens qui se font les relaient de ces idées.

Ces discours attisent les conflits et dans un contexte aussi fragile, il est important que les voix s’élèvent pour s’y opposer, notamment celles des acteurs politiques responsables, la société civile et les autorités judiciaires.

Sommets Afrique-X: 54 chefs d’Etat ballottés entre les Continents.

La compétition entre puissances mondiales en Afrique a plusieurs siècles d’existence et s’est articulée sur l’accès aux ressources naturelles, l’expression d’une grandeur et la promotion ou la défense d’une idéologie.

Les sommets Afrique-France se tiennent depuis plus de 40 ans. Sur le même format plusieurs puissances anciennes ou émergentes ont emboîté le pas à la France. Depuis le début des années 2000 plusieurs pays (Chine, Inde, EAU, Arabie Saoudite, Turquie, Brésil…) ont organisé au moins un sommet ou tenté de le faire.

Cette inflation de sommet n’est pas fortuite, l’Afrique a des atouts dont un sous-sol riche en matières premières indispensables dans la marche du monde vers le progrès technique. A titre d’illustration le continent dispose de grandes réserves de terres rares inexploitées. Il est une alternative crédible à la Chine qui assure 71% de la production mondiale actuellement, et se sert de ce levier dans sa guerre avec le « bloc occidental ».

Si les usines sont au « nord » les matières premières sont au « sud », il est stratégique pour ces puissances anciennes ou nouvelles d’avoir accès à ces ressources pour maintenir leur croissance et leur rang sur l’échiquier mondial. Ces sommets sont donc un lieu privilégié pour garantir ou pérenniser ces accès mais pas uniquement.

Le continent africain a la croissance démographique la plus rapide de tous les continents et les jeunes de moins de 25 ans représentent 62% de sa population. Il s’agit d’un marché important pour les entreprises des puissances mondiales, par ailleurs la jeunesse de sa population et les faibles coûts de main d’œuvre font de l’Afrique une zone de choix pour des investissements. Les puissances anciennes ou émergentes ont bien perçu ce potentiel de croissance économique et se sont employées au cours des dernières années à multiplier les partenariats pour être autour de la table avec la complicité des élites africaines locales.

Le fait qu’un pays puisse inviter tout un continent pour « discuter » de son développement et de coopération permet aussi à l’hôte de flatter son ego et de projeter sur la scène internationale une image de puissance.. Cette stratégie s’accompagne pour certains Etats d’une volonté de bousculer les équilibres anciens et promouvoir l’émergence d’un nouvel ordre mondial en opposition à l’ordre actuel dominé par les historiques. Ainsi l’occident se retrouve de plus en plus bousculer sur la scène internationale par le trio Chine-Turquie-Russie.

Ces sommets sont aussi le lieu d’une opposition entre des modèles de gouvernance qui tentent d’influencer par ricochet la gouvernance mondiale. On note pour faire simple, d’une part un bloc ayant la volonté de promouvoir et parfois imposer à coup de missiles air-sol, un modèle libérale et d’autre part un modèle plus autoritaire n’hésitant pas à partager son savoir sur la manière de gérer les contestations. Cette seconde option a su profiter de l’ancrage des « régimes hybrides » sur le Continent. Cependant, les lignes ne sont pas figées et les promoteurs musclés de la démocratie n’hésitent pas à s’allier à des régimes autoritaires lorsqu’ils y trouvent leur intérêt.

Le continent devient le lieu d’expression des tensions. A titre d’illustration alors que le Maroc se rapproche d’Israël et des Etats-Unis, son rival historique l’Algérie accroît sa collaboration avec la Russie.  Au sahel c’est le trio France-Russie-Turquie qui joue des coudes, quand les pays du Golfe investissent eux dans le G5 Sahel, des infrastructures et des associations religieuses. Parmi les signes de tension on note également la multiplication ces dernières années des bases militaires sur le Continent et notamment dans la Corne de l’Afrique où se côtoient désormais chinois, américains, italiens, japonais, français ou encore émiratis.

Enfin les retombées pour les économies africaines sont assez mitigées, ces partenariats servent avant tout à enrichir ces pays et minent l’industrialisation du Continent. L’Afrique représente 17 % de la population mondiale mais seulement 3 % du PIB mondial. Le tissu entrepreneuriale local se retrouve handicapé par la concurrence déloyale qui découle de l’ouverture des marchés aux entreprises étrangères plus compétitives.

Il ressort de ces rencontres une forme de cynisme à peine dissimulé. Certains régimes ont développé depuis longtemps des stratégies pour tirer profit personnellement de ce système. Il permet également aux puissances tout en prétendant se soucier du développement de l’Afrique de poursuivre surtout et avant tout leurs propres intérêts.

Orchestre symphonique à Bamako.

Selon des informations rapportées par l’agence de presse Reuters, le Mali serait en discussion avec le groupe paramilitaire Wagner pour le déploiement de 1000 mercenaires chargés de la protection des autorités et de la formation des forces armées maliennes.

Le Premier Ministre a justifié cette éventualité par la restructuration programmée de Barkhane qui risquerait de laisser des zones vides et l’arrivée de Wagner servirait plutôt à combler ce vide. Avouant au passage l’incapacité des forces locales à assumer cette mission. La France a estimé de son côté que cette initiative était incompatible avec la stratégie à l’œuvre au Sahel.

Ces débats arrivent dans un contexte où le pouvoir intérimaire à Bamako est sous pression de la communauté internationale qui pousse au respect du calendrier prévoyant l’organisation des élections en février 2022. Le Premier Ministre peine à convaincre avec sa proposition d’assises nationales. La situation sécuritaire n’a pas évolué, les attaques ont continué et les groupes armés terroristes étendent leur zone d’action.

Le bilan du pouvoir intérimaire est donc famélique. Pour contrer les critiques elle a suscité au cours des semaines passées des actions sur le plan judiciaire, une attente forte des populations. L’annonce de l’arrivée de Wagner accompagnée d’une propagande orchestrée par des agents d’influence, répond à une autre préoccupation: le sécuritaire. Cela fonctionne d’autant plus que les résultats de l’opération Barkhane sont remis en cause et la politique de la France en Afrique contestée. Enfin l’insécurité s’approche du coeur de la contestation politique à savoir Bamako.

Au delà des manoeuvres politiciennes la question de Wagner ouvre un debat sur l’état des forces de défense et de sécurité maliennes. Il arrive assez tard paradoxalement. On aurait pu penser que les Colonels allaient ouvrir ce dossier au lendemain de leur arrivée au pouvoir.

Le Président déchu dont le fils était le président de la commission de défense de l’Assemblée nationale a longtemps vanté la loi n° 2015-08 du 05 mars 2015 portant loi d’orientation
et de programmation militaire (LOPM) pour les années 2015-2019. Cette dernière prévoyait des investissements en hommes et matériels à hauteur de mille deux cent trente milliards cinq cent soixante trois millions neuf cent soixante douze mille trois cent quarante sept (1.230.563.972.347) francs CFA.

Le gouvernement de l’époque détaillait les investissements comme suit : l’acquisition d’aéronefs et de matériels de soutien technique de l’armée de l’air pour un montant d’environ 200 milliards FCFA; l’acquisition de véhicules de combat et de transport de troupes modernes pour un montant d’environ 100 milliards FCFA ; la réalisation de matériels spécifiques pour les forces de sécurité notamment pour la garde nationale et la gendarmerie nationale pour un montant d’environ 70 milliards FCFA ; la réalisation de matériels spécifiques pour le renseignement et les transmissions pour un montant d’environ 20 milliards FCFA et enfin l’amélioration du  soutien, de l’appui à la mobilité et contre-mobilité au profit des unités opérationnelles pour un montant d’environ 100 milliards FCFA.

Or malgré ces investissements inédits les résultats n’ont pas été pas au rendez-vous. On peut l’expliquer d’abord par la délinquance financière qui touche l’ensemble des Institutions et qui pousse à interroger l’utilisation des fonds. A cela on peut ajouter la tenace méfiance des élites (dont des hauts commandants) envers l’armée, et enfin la délégation de la sécurité à Barkhane et aux milices communautaires.

Durant cette période que les autorités de l’époque ont qualifié de « montée en puissance » des FDSM leur dépendance s’est plutôt maintenue. A titre d’illustration Barkhane et la Minusma ont continué à fournir du carburant, des rations ou encore le soutien les évacuations sanitaires.

L’urgence de 2012 est donc toujours là et la LOPM garde toute sa pertinence. Il importe donc de procéder à une analyse de ces investissements et réajuster la stratégie. Cela paraît plus convenable que de promouvoir la multiplication d’acteurs dont la plus-value est plus que questionnable.

La société de Wagner reste sur des échecs serieux en Libye et au Mozambique face au groupe jihadiste Ahlu Sunnah wal Jamaa. Mocimboa da Praia a fini par tomber et il a fallu le soutien de l’armée Rwandaise pour les forces Mozambicaine puissent y reprendre pieds. Les hommes de Wagner se retrouvent épinglés pour de graves violations des droits de l’homme en République centrafricaine. Au Soudan elle a participé à la brutale répression des manifestations contre Omar El Béchir.

Cette orientation si elle se realiser serait à moyen terme contre productive. La nature de la crise appelle avant tout les maliens à dresser une stratégie ambitieuse basée sur leurs propres capacités politiques et sécuritaires. L’arrivée de nouveaux acteurs conduira en plus à placer le Mali au centre querelles entre puissances moyennes, prenant le risque de devenir un « dommage collatéral » à long terme.

Revoir la stratégie en matière de lutte contre La corruption et les infractions en matière économique et financière.

Depuis plusieurs jours la lutte contre la corruption anime les débats au Mali. Cette actualité doit nous inciter à interroger la stratégie de lutte contre la corruption et les infractions en matière économique et financière mise en place depuis 20 ans.

Depuis les années 2000 le Mali a crée le Bureau du vérificateur général (BVG). Tous les ans ce dernier adresse un rapport détaillé des pratiques qu’il a pu constater au sein des administrations publiques. Lors des 4 premières années de fonctionnement le BVG a documenté un manque à gagner de 102 milliards de Francs CFA. L’Office Central de lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI) créée en 2015 est aussi une autorité administrative indépendante ayant la charge de lutter contre l’enrichissement illicite. Elle fait face à de fortes résistances.

Au niveau de l’administration publique l’Etat a mis en place le Contrôle Général des Services Publics, les Inspections ministérielles, la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration et la Cellule d’Appui à la Réforme des Finances Publiques…. En 2010 a été mis en place un Comité de suivi et d’évaluation du plan national d’actions de mise en œuvre des recommandations des Etats-Généraux sur la corruption et la délinquance financière.

Enfin au niveau de la justice on compte les Pôles économiques et financiers et la section des comptes de la cour suprême.

Le pays dispose de pléthore de structures pour assurer la bonne gestion des deniers publics et punir tous les contrevenants. Pour autant dans un rapport datant de 2018 le BVG a documenté entre 2005 et 2017, 741 milliards d’irrégularités financières. 48 milliards uniquement avaient été recouvrés. 388 dossiers ont été transmis aux autorités judiciaires et administratives et 45 ont connu des suites.

Ce bilan dressé par le BVG pousse à plusieurs constats:

  • La multiplication des structures n’a pas contribué à freiner la mauvaise utilisation des deniers publics qui touche tous les secteurs;
  • Les acteurs impliqués opèrent en toute impunité ne craignant ni sanctions administratives ni judiciaires;
  • La volonté politique est absente sur ces sujets malgré les déclarations très nombreuses entendues au cours des 20 dernières années;
  • Ces pratiques ont favorisé l’ancrage d’un système prédateur et clientéliste profitant à une minorité et débouchant sur la crise multidimensionnelle que traverse le Mali;
  • Les principaux donateurs ont continué leur assistance malgré ces pratiques rarement suivies de sanctions.

Le Mali doit impérativement se sortir de ces pratiques qui ont accéléré la crise politique. Plusieurs pays qui ont réussi ce pari ont basé leur stratégie sur la création de pôles spéciaux pour judiciariser tous les cas; des exercices d’éducation et de prévention au sein de l’administration et des entreprises pour créer une culture contre ces pratiques et enfin la formation de la population sur les méfaits de ces pratiques. La création d’une entité judiciaire unique doit également être suivie par une simplification administrative en octroyant plus de moyens humain et financier au BVG et en le fusionnant avec OCLEI.

Par ailleurs le pays bénéficie toujours de l’aide au développement et d’un appui budgétaire. La Communauté internationale doit également assumer un rôle dans cette lutte. Certains pays ont été réticents à lutter contre les biens mal acquis ou à restituer les fonds spoliés, cela a encouragé ces pratiques.

Ces stratégies sur le long terme ne peuvent aboutir sans une volonté politique et une implication des populations qui sont les premières victimes de ces pratiques. Le changement s’opère sur le long terme, certains pays ont mis 20 ans avant d’atteindre les objectifs et l’instauration d’une véritable culture opposée à ces pratiques.

Péril en la demeure

En février 2021 Moctar Ouane alors Premier Ministre du pouvoir intérimaire, avait dévoilé devant le Conseil National de Transition (CNT) le plan d’action de son gouvernement comportant « 6 axes déclinés en 23 objectifs, adossés à 275 actions à évaluer à travers 291 indicateurs. ». Parmi les mesures phares, on retrouve la dissolution des milices, la relecture de l’Accord, la sécurisation du territoire, reforme de la justice, de l’éducation etc…

Le 15 avril 2021, le Ministre de l’administration territoriale avait annoncé que l’élection présidentielle devait se tenir le 27 février 2022. Auparavant le référendum Constitutionnelle allait lui se tenir le 31 octobre 2021, il serait suivi des communales et des régionales.

Dès la divulgation des plans du pouvoir intérimaire, plusieurs doutes ont surgit notamment en raison de timing très serré, des moyens financiers limités et enfin des questions sécuritaires. En effet l’organisation d’une élection demande du temps de préparation (plusieurs mois), de l’argent (environ 96 milliards de Francs CFA) et la sécurité dans les zones de déploiement du matériel électoral.

Pour justifier ces plans ambitieux les acteurs invoquent la tenue d’assises nationales en septembre 2020 et les conclusions du Dialogue national inclusif (2019). Des processus désormais ancrés dans un même bloc dogmatique. Notons qu’ils partagent des caractéristiques similaires tant sur le fond que sur la forme. Des caractéristiques qui devraient plutôt pousser à observer des réserves plutôt qu’à s’y accrocher avec l’énergie du désespoir.

En juin 2021, le nouveau Premier ministre intérimaire, nommé le même mois, annonce à son tour l’organisation d’un processus de Dialogue. Rappelons que selon le chronogramme mentionné ci-dessus, nous sommes à 4 mois de la tenue du référendum constitutionnel et à 7 mois de la présidentielle.

Selon l’hebdomadaire Jeune Afrique, le nouveau Premier Ministre intérimaire souhaite « établir un diagnostic partagé de la gravité et de la profondeur de la crise traversée » par le pays et de prendre conscience « des enjeux, des défis et des vulnérabilités structurelles » soit reprendre ce qui a déjà été fait 3 fois depuis 2017, en prenant en compte la tenue de la conférence d’entente nationale.

Beaucoup d’éléments laissent à penser que les autorités intérimaires pourraient se servir de ces assises « New look » pour demander une prolongation de la durée de l’intérim. Cette décision qu’elles présenteront comme émanant du « peuple souverain » sera ainsi exposée à la Communauté internationale qui aura le choix entre maintenir la pression pour la tenue des élections et s’opposer alors à une soi-disant demande du peuple souverain ou « l’accompagner ».

Ces assises permettraient non seulement de justifier la prolongation de l’intérim, mais également de renforcer la position du Premier ministre sur l’échiquier politique. Si les membres au gouvernement intérimaire ne peuvent participer à l’élection présidentielle, cela ne les empêche pas de renforcer leurs partis politiques en élargissement leurs bases selon une mécanique clientéliste bien rodée et qui a déjà fait ses preuves.

Et le Mali dans tout cela  ? La situation économique se détériore avec une hausse des prix des biens de première nécessité, les exonérations sont des mesures temporaires qui coûtent aux contribuables. Le Covid19, la situation sécuritaire et l’incertitude politique entretiennent cette instabilité des prix dans notre économie fortement dépendante des importations.

Sur le plan sécuritaire, les groupes radicaux étendent leur influence aux alentours de la capitale et notamment sur les axes vitaux la reliant aux ports sous-régionaux. S’ils parviennent à installer une insécurité sur ces axes l’approvisionnement difficile du pays va contribuer à faire grimper les prix. Par ailleurs comme dans la Région de Mopti, ils pourraient aussi prélever sur les transporteurs des sommes d’argent en échange d’une relative sécurité et ces fonds viendraient alimenter une caisse servant à financer leur lutte. Notons d’ailleurs que selon la dernière étude Malimètre de la Fondation Friedrich Ebert publiée en juin 21, dans les régions de Kayes et Sikasso, plus de 50% de la population estime que la situation générale du pays s’est détériorée au cours des douze derniers mois.

Depuis longtemps et sur tous les théâtres, les groupes radicaux ont bien appris à profiter des pronunciamientos, des errements politiques et des atermoiements de la communauté internationale pour tisser leur toile, gagner les cœurs et offrir une alternative politique loin de la science des assises. La somme des événements de ces derniers mois au Mali ne plaide pas en faveur d’une amélioration de la situation dans un avenir proche, mais plutôt pour un approfondissement de la crise. Il y a donc péril en la demeure.

La refondation attendra

Le 19 février 2021, le Premier Ministre a présenté devant le Conseil national de transition le programme d’action gouvernementale qui s’articule autour de 6 axes déclinés en 23 objectifs, adossés à 275 actions à évaluer à travers 291 indicateurs. Les chargés de projets auront apprécié cette approche « SMART ». Le Premier Ministre justifie cette approche par la nécessité de transparence. Soit !

En effet nous avons eu droit à une véritable démonstration de la part du Premier Ministre devant un Conseil National de Transition (CNT) sensiblement séduit par tant de technicité. Si technique que certains ont eu besoin qu’on leur explique certains sigles. Dans le fond, il n’y avait pas réellement d’enjeu politique sur le contenu de la présentation. La seule voie dissonante est demeurée hors du CNT, celle du M5 RFP dont l’œuvre aurait été parachevée avec la chute du Président IBK, par la junte, et se considère depuis lors floué.

Il ne s’agit pas de contester le plan d’action du gouvernement, mais de le placer dans son contexte politique. Il découle d’assises nationales organisées au lendemain du coup d’Etat du 18 août 2020 et verrouillées par la junte. Ces assises ont repris les conclusions du dialogue national inclusif organisé en 2018. Le point commun entre ces deux processus est la méthodologie discutable. En effet le DNI a été organisé dans les Régions par les gouverneurs et les préfets qui ont « sélectionné » les participants. Ils ont validé un catalogue de souhaits, qui a été remonté au niveau national, où des personnes cooptées à nouveau ont procédé au même exercice. Il n’y a pas réellement eu de débats. On peut à juste titre au regard de la méthodologie questionner la légitimité des participants et par ricochet celle des mesures avancées.

Rappelons également que la légitimité du CNT découle d’un processus de sélection validé par le Vice-Président de la transition. Ainsi les membres du pouvoir législatif, supposés contrôler l’action doivent leurs places au choix porté sur eux par l’exécutif. Autant dire que les risques de confrontations idéologiques sont assez limités.

Astucieusement, le catalogue hérité du DNI envoie des signaux à plusieurs clientèles politiques. Ceux opposés à l’Accord de paix, ceux favorables à une discussion avec les groupes extrémistes violents, ceux qui confondent reforme constitutionnelle et refondation ont chacun eu droit à une mesure. Les syndicats n’ont pas été oubliés. Finalement on se retrouve avec un document qui donne des assurances à chacun. On peine à déterminer la ligne directrice.  L’ensemble ne forme pas un corps. L’éducation est par exemple au cœur de la refondation, mais cette politique ne doit pas être déconnectée de celle du processus de régionalisation. Autre illustration, l’on parle de la relecture de l’Accord tout inscrivant la mise en œuvre de certaines mesures issues de ce même accord. Que va-t-on relire et dans quel objectif ? Mieux, pourquoi veut-on relire ?

En conclusion, ce programme est l’héritier d’un processus imparfait, il donne une ligne directrice au gouvernement de la transition mais ne porte pas en lui le changement tant attendu. Il n’est pas surprenant pour autant, tant le CNT que la junte ou le M5RFP avant n’ont pas démontré une capacité ou volonté à penser l’Etat et la relation gouvernants/gouvernés en dehors des cadres conventionnels.

Illustration parfaite, le combat actuel tourne autour de la mise en place d’un organe unique d’organisation des élections. Oui, les élections sont d’ores et déjà l’enjeu majeur. Dans la situation actuelle cet élément aurait dû constituer une simple variable pour ces partis politiques. Ils estiment dans une myopie collective que toutes les difficultés politiques tiennent dans la conquête du pouvoir et non dans leur capacité à résoudre les équations politique, économique et sociale. Rien ne justifie actuellement que cet organe unique soit une solution.

Nous aurions dû prendre le temps de mettre en place des organes vraiment représentatifs. Cela ne signifie pas exclure les militaires, dont le rôle politique n’est pas à négliger. Le M5RFP à l’instar de la junte ne jouit pas d’une plus grande légitimité. La légitimité des chefs religieux et coutumiers est également fortement contestée. Face à cette crise de légitimité, nous avons fait le choix de la myopie.

Le questionnement sur la nature de l’Etat malien qui est contestée depuis plusieurs décennies n’aura certainement pas lieu. Les organes n’y verront pas intérêts, certains acteurs, n’en n’ont pas la volonté, d’autres ne le comprennent pas, disons-le. On se contente de remettre une pièce dans la machine, en recyclant des mesures dont on veut bien se convaincre qu’elles seront efficaces.

Pense-t-on dire qu’il suffira de débattre de la nationalité du Président, de la présence d’un centre scolaire dans le Gourma et d’un CSCOM à Bintagoungou pour parler de refondation. On dira que l’Etat est utile et donc pas contester ? A condition de pas nier le lien entre l’utilitarisme et sa finalité, à savoir le bonheur du plus grand nombre. La refondation attendra que l’on se permette ce débat.

Bilan de l’année 2020

L’année 2020 a été marquée par la pandémie de Covid19 qui a mis à rude épreuve les faibles capacités du pays en matière de santé. La pandémie a coïncidé avec une agitation sociale et politique très forte et latente depuis 2015. Ces troubles de faible intensité, accélérés après les législatives de 2020 ont conduit à un changement de régime inconstitutionnel, avec le départ du Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) et l’installation d’une transition civilo-militaire au pouvoir.

Alors que l’année 2021 débute, je me pose les mêmes questions qu’en 2012 concernant l’avenir du pays qui traverse une crise sans précédent et dont on ne voit pas la fin. La situation en effet ne s’est pas améliorée et on pourrait même dire qu’elle s’empire malgré les efforts et sacrifices consentis depuis 8 années.

La pandémie a démontré la faiblesse du système de santé

Il faut en premier lieu de saluer le dispositif sanitaire mis en place par les autorités et le dévouement du personnel de santé qui malgré des moyens parfois rudimentaires s’est impliqué pour contenir la crise. En effet le pays ne dispose pas de suffisamment de lits et de respirateurs. Il a pu compter sur les dons de la Chine, de la Turquie, des ONG et de l’OMS, mais ceux-ci demeurent insuffisant pour faire face à une deuxième vague extrêmement virulente.

La pandémie a mis en lumière la faiblesse de notre système de santé. Les structures de santé sont dégradées et manquent de moyen. Par ailleurs la qualité de la formation du personnel est également à questionner. L’hôpital comme tous les autres services publics est rongé par la mauvaise gouvernance et la corruption et cela au détriment de la santé des populations.

Plusieurs leçons doivent être tirées de cette pandémie. L’Etat doit investir pour remettre à niveau la faculté de médecine, les centres de recherche et les structures de santé de l’échelon communautaire à l’échelon national. Ces investissements sont fondamentaux tant la crise a démontré la dépendance du pays pour l’acquisition de kits de tests, de matériels de protection et de vaccins. Le monde connaitra d’autres épidémies et il est stratégique que nous puissions compter sur nos propres moyens pour y faire face.

Les progrès sur le plan sécuritaire faibles

La situation sécuritaire s’est continuellement dégradée au cours de l’année écoulée. Les Forces de défense et de sécurité malgré des années de formation et de guerre ne semblent pas être en mesure de faire face. La situation sécuritaire est donc restée tributaire de la pression que fait peser les français sur l’état islamique et le JNIM.

La force du G5 n’est pour l’instant pas opérationnelle, elle n’a pas les capacités de mener des opérations sans le concours de la France. On note certes des opérations tripartites dans la zone du Liptako, mais elles ne laissent pas voir une montée en puissance de l’organisation.

Par ailleurs les organisations des Droits de l’Homme ont continué à pointer du doigt la responsabilité de certains membres des FDSM dans des violations des Droits de l’Homme au cours d’opérations de « contre-terrorisme ». Ces atteintes à répétition profitent aux GAT qui croissent sur le rejet de l’Etat par les populations civiles. Or l’établissement de l’autorité de l’Etat doit se faire avec l’acceptation des populations locales.

De plus, les groupes armés terroristes ont continué à soumettre par la violence et par la séduction les populations dans les territoires abandonnés. Ils ont multiplié les alliances stratégiques et les embargos comme dans la commune de Mondoro, le cercle de Bankass, l’inter-fleuve ou encore à Niono. Quel autre choix pour des populations civiles délaissées que de se soumettre aux maitres des lieux ?

Au centre du Mali et notamment dans les cercles de Koro, Bankass, et Bandiagara, le JNIM a continuellement gagné du terrain sur le groupe Dana Amba Sagou. Ils ont soumis par la force et/ou la séduction plusieurs villages dogon et peuls. Par ailleurs ils se sont attaqués à l’axe routier reliant Mopti et le Burkina pour assécher les finances de DAS. En effet, l’acharnement sur les ponts situés sur cet axe s’explique par le fait que DAS disposait de plusieurs check-points au niveau desquels ils prélevaient des taxes aux routiers.

On note aussi que c’est l’aile de Dana Amba Sagou dirigée par Youssouf Toloba qui a été la plus amoindrie, l’autre aile ayant rassemblement renoncé à une politique de conquête territoriale et établi un dialogue avec les membres du JNIM et les communautés peules locales.

Concernant la mise en œuvre de l’accord pour la paix signé depuis 5 ans à Alger, les progrès restent anecdotiques. Les dividendes politiques restent imperceptibles et les populations demeurent sceptiques. Le rapport des experts des nations-unies a d’ailleurs pointé la responsabilité de plusieurs responsables maliens et de groupes armés dans les blocages observés. La fondation Carter qui est observateur indépendant de la mise en œuvre de l’Accord abonde dans le même sens.

L’Accord qui a été présenté comme un élément de refondation et de pacification n’a pas atteint ses objectifs après 5 années de mise en œuvre. Des voix s’élèvent pour le remettre en cause et demander sa relecture sans pour autant expliquer ce qu’il y a à relire et en quoi cela améliorait la situation. Cette posture n’est pas productive et ne vise qu’à alimenter des débats stériles.

La communauté internationale a semble-t-il voulu mettre plus de pression sur les acteurs en nommant les responsables accusés de ralentir la mise en œuvre de l’Accord. Il reste encore beaucoup à faire pour rétablir la confiance entre les acteurs, affaiblir les actions des spoilers et favoriser la mise en œuvre des mesures politiques.

Au cours de l’année à venir il est primordial de faire avancer les mesures politiques prévues dans l’accord et notamment le processus de régionalisation qui bloque. La nouvelle Constitution devra prendre en compte également les nouvelles règles avec un mode de désignation pour une nouvelle chambre plus souple et moins budgétivore que ce envisagé par le régime IBK.

Les reformes économiques n’ont pas eu lieu

La situation économique était déjà assez fragile lorsqu’est survenue la crise du coronavirus puis le coup d’Etat militaire. La situation ne s’est donc pas particulièrement améliorée. L’économie malienne reste fragile et demeure dépendante des importations et des facteurs climatiques.

Cette croissance et la forme de notre économie témoignent des efforts à entreprendre pour bâtir une économie moderne qui permette de lutter plus efficacement contre la pauvreté, le chômage et construire un modèle social.

La croissance démographique devient insoutenable pour le pays d’autant plus que la croissance économique ne permet pas d’absorber cette hausse de la population, notamment dans la distribution des services sociaux. Les chiffres macroéconomiques globalement bons témoignent mal des inégalités dans le pays et de la mauvaise répartition des richesses.

Il y a lieu de réfléchir à une réforme globale pour revoir la structure de notre économie, faciliter son financement par les banques et à investir dans les domaines porteurs de haute valeur ajoutée et notamment l’industrie de haute technologie.

Enfin la question monétaire a été au cœur des débat, avec une reforme à la marge qui témoigne du manque d’ambition et de la frilosité des dirigeants de l’UEMOA. Il y a des doutes quant à nos économies à supporter une union monétaire au sein de laquelle le Nigeria connu pour son instabilité économique pèserait plus de 60%. Cela démontre également les efforts à fournir sur le plan fiscal et juridique pour accroitre une intégration qui pour le moment est un vœu pieux.

Un climat social fortement dégradé

L’année a été marquée par le durcissement des mouvements sociaux qui ont contribué à faire chuter le régime IBK. La grève des enseignants et le Covid 19 ont fortement impacté l’année scolaire. D’un commun accord les parents, les élèves ont décidé de manière désastreuse, que 2 mois de cours était suffisant sauver l’année scolaire. Cette décision incompréhensible hypothèque l’avenir des élèves. Les retards accumulés se feront ressentir forcement dans les années à venir.

Au-delà du cas emblématique de l’école, les grèves ont été motivées dans d’autres secteurs par la somme des promesses non appliquées du régime IBK. Le gouvernement de ce dernier a conclu plusieurs accords insoutenables pour les finances publiques et a à plusieurs reprises repoussé leurs applications.

Un dialogue social et une révision de la condition de rémunération des agents publics sont indispensables. Cependant la sincérité pour sauver le système de fonction publique, l’assurance maladie et chômage pourrait ne pas être au rendez-vous.

Un climat politique délétère

La qualité du débat public s’est affaiblie, les élections législatives n’ont pas été à la hauteur, les candidats n’ont pas sembler mesurer la gravité de la situation dans laquelle se trouvait le pays. Ils ont pour la plupart mené une campagne en promettant des projets pharaoniques aux populations, qui pourtant n’entraient pas dans leurs prérogatives de députés.

Cette élection a démontré une fois de plus à quel point le clientélisme politique et les élections organisées dans ces conditions était un élément puissant de déstabilisation de nos sociétés supposément démocratiques. Cette élection voulue coute que coute portait les germes de la crise. La convergence des luttes politiques et sociales a conduit à un coup d’Etat militaire et à la mise en place d’une transition qui peine à démarrer.

La période semble propice à l’émergence d’initiatives politiques novatrices et qui proposeraient aux maliens un nouveau projet de société. Elles pourraient être le fait de coalitions de citoyens de tous horizons. A défaut de nouvelles initiatives, les prochaines élections présidentielles pourraient conduire à des oppositions entre vieux routiers de la politique malienne. La surprise pourrait aussi venir du coté de la junte au pouvoir.

Je ne pourrais pas conclure ce texte sans avoir une pensée pour Soumaila Cissé, Pierre Buyoya et tous ceux qui nous ont quittés en cette année 2020. Que Dieu leur fasse miséricorde, ils seront toujours dans nos pensées.