Edito: Il faut une solution politique à la crise du Centre.

Depuis, la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le nord du pays connait un terrorisme et un banditisme résiduels. Les terroristes appliquent une stratégie classique, c’est-à-dire, harceler les forces (Minusma, FAMA, Barkhane) par des attaques dites « asymétriques ».

Cette situation était prévisible, on savait en 2013, qu’ils quitteraient les villes, pour se réfugier en brousse, ou se mêler à la population pour mener des attaques spectaculaires en nombre réduit, on savait également que tout retard pris dans la mise en œuvre d’une solution politique au conflit leur serait favorable.

Ce que nous avons été peu avoir est la déflagration de la situation politique, sociale et sécuritaire dans le centre  du pays, et les impacts que la crise dite du nord avait eu sur les équilibres déjà fragiles. Aujourd’hui on tente d’y apporter une réponse sans vraiment cerner les causes exactes.

Pour les uns il s’agit de terrorisme, dans le sillage des prédicateurs Amadou Kouffa et Ibrahim Malam Dicko, pour les autres il s’agit de règlements de compte liés à des conflits ancestraux entre pasteurs et agriculteurs, et enfin pour les derniers il ne s’agit ni plus ni moins que d’une instrumentalisation pour déstabiliser le Mali.

Il y a un peu de vérité dans tout ça, tout d’abord, dans sa stratégie pour répandre la terreur en Afrique de l’Ouest les leaders d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique ont toujours essayé de se baser sur les communautés locales, et de profiter de la situation d’extrême fragilité dans laquelle elles se trouvaient.

C’est ainsi que l’idéologie dite radicale s’est peu à peu répandue, et qu’avec la crise de 2012 plusieurs groupes sur bases communautaires se sont ralliés à Aqmi, il s’agit notamment d’AnsarDine et du Mujao, ce dernier était présenté comme un mouvement contenant une forte communauté peul, notons que certains ont rejoint ce mouvement plus pour assurer la sécurité de leurs communautés que par adhésion idéologique.

Lorsque l’Etat est inexistant le dernier rempart, la dernière structure qui tient est celle du clan, de la Communauté, et c’est ce que l’on a vu dès 2012, lorsque chaque communauté, a commencé à chercher des armes pour se protéger. Le caractère inter/intra ethnique du conflit s’accentue à partir de ce moment.

Certaines communautés pastorales gardaient un ressentiment très fort envers, les autorités traditionnelles, les représentants de l’Etat et des groupes ethniques bien précis. Si vous ajoutez des rancœurs anciennes, un afflux d’armes, et aucun contrôle de l’Etat, vous obtenez une zone de non droit, ou la vie est rythmée par des règlements de compte.

C’est ainsi que les premières cibles du mouvement surnommé par la presse « Front de libération du Macina », furent des maires, des agents des eaux et forêts, des chefs religieux et coutumiers. Dans un second temps, le conflit monta en intensité avec des affrontements avec les communautés dozos, avec de nombreux massacres dans plusieurs villages. Ce conflit comme celui du nord, nécessite un traitement politique et non militaire, car il tourne globalement autour du partage des ressources naturelles, certains conflits datant d’il y a plus de 60 ans.

La pression démographique a fortement réduit les zones de pâturages, et celles qui étaient protégées de la spéculation par la loi ont été justement vendues par des autorités locales, ce qui a contribué à provoquer des affrontements entre agriculteurs bambara, dogons et pasteurs peuls. Ce conflit agriculteurs/nomades n’est pas propre au Mali, ce qui change c’est que dans la même zone il y a plusieurs groupes prêts à exploiter ce conflit, à l’instrumentaliser pour atteindre leurs objectifs.

Les politiques aujourd’hui sont dépassés par ce conflit, et ne savent pas comment y répondre si ce n’est pas l’emploi de la force, qui est tout aussi nécessaire, mais la solution ne peut être que politique, encore faut-il avoir des interlocuteurs crédibles avec un pouvoir d’influence en face, les chefs traditionnels ont perdu ce pouvoir sur beaucoup de ces jeunes que l’on appelle « radicalisés ».

Cette problématique vient s’ajouter aux autres, dans un pays très fragile, qui tangue depuis 15 ans, du fait d’une classe politique et d’une société civile qui refusent d’admettre la dimension politique de ces crises.

 

Création du G5 du Sahel

AFP/Ould Haldj

Les Etats du « sahel » se sont réunis la semaine passée à Nouakchott dans la capitale Mauritanienne afin de procéder à la mise en place d’un Groupe visant à promouvoir la sécurité et le développement au Sahel.

Pour les plus avisés d’entre nous cela nous rappelle la mise en place du Comité d’Etat-major opérationnel conjoint qui avait été mis en place par l’Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali. Mis à part une réunion, des bombardements mauritaniens sur des villages maliens et une incursion des forces spéciales françaises à partir du Niger au Mali (Encore) ce projet est un flop total. Les algériens rechignant à collaborer amplement, alors que les 3 autres pays posent des armées plutôt faibles et incapables de mener une guerre correcte contre le terrorisme.

Alors comme vous êtes bon en géographie vous savez que le Sahel va du Sénégal à l’Érythrée et un pays important comme l’Algérie est exclu de cet organisation, de plus il existe déjà des organisations transsahariennes comme le Cilss, alors on se demande bien quel est l’objectif de ce G5?

Le président Issoufou déclarait « Quand nous aurons liquidé la pauvreté, nous aurons créé les conditions pour affaiblir le terrorisme et le crime organisé. Pour cela, il est heureux que nous ayons décidé de mutualiser nos efforts pour faire face à ces défis » On comprend alors qu’il s’agit d’une organisation plus économique que militaire et cela ne peut qu’être salutaire, dans la mesure ou la pauvreté est le terreau fertile de l’insécurité et de la criminalité transfrontalière.

Une large part est donnée aux populations locales, très souvent abandonnées par les Etats, il est prévu  « un programme prioritaire d’investissements et un portefeuille de projets structurants accordant une large priorité à la sécurité, à l’ancrage de la démocratie et à la participation des populations à la promotion des zones les moins développées » selon le communiqué final.

Les pays du G5 ont également demandé un assouplissement de la dette et une aide financière des pays du Golfe, ainsi que des autres partenaires dans le développement des projets.

J’avoue avoir été sceptique, je le suis un peu moins, juste un peu, mais je pense que cela marque une certaine maturité acquise par nos Etats face au fléau du sous-développement et de la criminalité transfrontalière. Très longtemps les populations de ces zones ont souffert d’un manque d’Etat, de perspectives, la crise au Mali a fini de montrer à quel point il est important de promouvoir la démocratie locale, les projets de développement afin que les populations éloignées des centres de décisions se sentent citoyens à part entière.

La présence du Tchad, marque la volonté de ce pays après son intervention au Mali, de rester dans le jeu Sahélien, d’être un moteur, un patron dans la région. L’absence de l’Algérie, marque à mon sens un ras le bol des pays de la région face au géant qui avait tendance à ne jamais vouloir trop s’impliquer dans le Cemoc par exemple, tout en essayant d’imposer ses points.

Globalement ces pays ont à faire face aux mêmes difficultés dans ces régions et une coordination des efforts, peut en effet être plus efficace que des initiatives isolées.

En définitive si le G5 prospère nous ne verrons pas d’Operations sécuritaires, mais plus de mesures de lutte contre la pauvreté, il s’agit plus d’un organe de développement du sahel, que d’un outil sécuritaire. Au cumulé la communauté internationale prévoit d’investir près de 8 milliards dans ces 5 pays, coordonner des politiques dans des régions ou il n’y a pas de frontière ne peut pas faire de mal.

Il est vrai que nous avons l’habitude » des coquilles vides, des organisations aux noms ronflants dépourvus d’un quelconque effet sur le terrain, cependant si le G5 axe sa politique sur le développement du Sahel, il est possible de coordonner et de mener à bien des projets, cependant je suis beaucoup plus sceptique sur le plan sécuritaire. Comme l’a précisé le président Nigérien, liquider la pauvreté c’est aussi liquider le terrorisme.

  Le G5 du Sahel envisage de développer “des infrastructures (dans des domaines) comme le transport, l’énergie, les télécommunications et l’hydraulique ainsi que la sécurité alimentaire, l’élevage, le développement humain et l’adaptation aux changements climatiques”. Sans oublier de prendre en compte les spécificités des peuples nomades qui eux ignorent les frontières.

Bonne nouvelle!