Après 5 années d’exil, l’ancien Président Amadou Toumani Touré est de retour au Mali, où il a reçu un accueil digne d’un chef d’Etat, rien à voir avec son départ pittoresque suite au coup d’Etat du Capitaine Sanogo en avril 2012.
Après une brève tentative engagée par le pouvoir de le poursuivre pour haute trahison en 2014, rapidement balayée par les Députés de l’Assemblée nationale, ATT avait toute la latitude de rentrer au pays, puisque rien ne l’en empêchait, mais il a pris son temps, et c’est donc à 8 mois des Présidentielles, qu’il a décidé de faire son grand retour. Et tout le monde s’y est mis, ces amis d’antan, ces nouveaux amis, son Grand frère le Président IBK, la CEDEAO, L’UA…Bref tout est fait pour nous faire penser à un scénario, difficile, non couru d’avance.
Dans le fond, on se doutait bien que le Président ATT, était une carte maitresse, que beaucoup d’acteurs politiques se disputaient, et ce dès 2012, lors de la course à la Présidentielle, où chaque candidat, par voie de presse, tentait de faire penser qu’il était le dauphin attitré, et donc celui qui allait bénéficier des largesses du pouvoir pour se faire élire dans un fauteuil.
Par sa position de chef suprême, IBK est celui à qui appartenait la décision finale, et donc celui qui avait dans son jeu, l’atout maitre. Cependant ce serait mal connaitre ATT, que de penser qu’il accepterait de jouer le rôle de carte politique, il a sans doute joué sa partition et rudement négocier les conditions de son retour, bien déterminé à prendre sa revanche sur l’histoire. Difficile de penser que tout cela se fait sans arrières pensées ou dénuer de tout calcul politique.
Pour avoir une lecture complète du jeu politique à l’œuvre actuellement, il faut se dire que la classe politique malienne n’a jamais été aussi faible et désavouée qu’aujourd’hui. Les barons actuels sont en déphasage avec le peuple, et sont en manque cruel d’imagination pour proposer des solutions constructives. Le parti au pouvoir a échoué au regard des promesses faites en 2013, sur le plan sécuritaire, social et économique les actions prises par le pouvoir produisent peu ou pas d’effets.
Le rejet ne concerne pas uniquement, la politique du Gouvernement, mais l’ensemble de la classe politique, dans ce contexte, émergent des mouvements alternatifs, comme celui de Ras Bath, ou encore des mouvements comme la Plateforme Antè Abana, qui loin d’être structurés, sont arrivés à un moment donné, à capter la colère des maliens et à la diriger contre le Gouvernement. Ces mouvements qui ne sont pas innovants sur le plan idéologique arrivent donc sporadiquement à proposer la lecture « Tous sauf IBK », qui même si elle ne construit rien, peut à un instant T faire chuter le pouvoir.
De l’autre côté, on assiste à une tentative de restructuration de l’axe CNDRE-MP22-Copam-Religieux, sous la houlette de Moussa Sinko Coulibaly, ancien Chef de Cabinet de Sanogo, et homme de confiance de IBK qui avait organisé les élections en 2013. Cette démission est apparue comme un coup dur pour le pouvoir, car c’est un homme clé du réseau qui a quitté le navire, sans doute tombé en disgrâce, ou considérant ne pas occuper la place qu’il devrait, eu égard aux efforts fournis en 2013, mais aussi au « traitement » infligé à ses comparses désormais accusés pour l’assassinat des Bérets rouges en 2012.
L’axe CNDRE-MP22-Copam-Religieux est sans doute celui qui a grandement contribuer à faire élire largement IBK, il faut dire que beaucoup de monde étaient ravis du coup d’Etat, et soutenaient une solution militaire à la rébellion, face aux réalités du terrain beaucoup se sont résolus à la solution politique, cependant, sur les revendications concernant la corruption et l’amélioration des conditions de vie des maliens, aucun changement notoire n’a été constaté, et les débuts du régime ont été marqués par des affaires assez rocambolesques.
Sur le plan sécuritaire, une large partie du pays échappe partiellement ou totalement au contrôle de l’Etat, le processus de paix avance sur papier, mais les effets sur le terrain tardent, les conflits intercommunautaires se multiplient pour le leadership local, et la situation au centre du pays, semblent encore plus désespérée qu’à Kidal en Janvier 2012.
Sur le plan social, la société malienne bouillonne, l’insécurité physique et économique a créé une tension palpable, l’avenir même du pays est incertains au regard de la situation globale, à part au Gouvernement vous ne trouverez pas grand monde pour dire que tout va bien au Mali et que les choses avancent dans le bon sens. Le sentiment d’impuissance et de résignation est général, même si le Gouvernement tente de montrer l’inverse et de proposer une écriture positive de l’histoire, il est difficile d’aller à l’encontre de ce que vit la population au quotidien.
C’est donc dans un contexte tendu au niveau politique, économique et sécuritaire que le retour d’ATT se fait. Sur le plan politique, son appareil le PDES est toujours en place, malgré quelques départs, il pourra le restructurer, remettre en place sa politique de consensus et pourquoi ne pas le mettre au service du Président IBK pour les élections en 2018. Chacun y est gagnant, IBK dont le parti est impopulaire gagne un allié de poids, dans une bataille qui l’opposera à une multitude de mouvements « Tous sauf IBK », et les amis de ATT en cas de victoire, reviendront au pouvoir, ce qui est leur première motivation, pour ATT il s’agira de redorer son blason et de mieux défendre son héritage, lui qui était sorti par la petite porte, reviendrait par la grande.
ATT conserve également un certaine aura, et un crédit auprès des populations rurales, il pourra s’impliquer dans la résolution de conflits intercommunautaires nés de la crise que connait le Mali, il pourra se positionner en tant qu’ancien Président apportant ses talents de médiateurs. Il a également une certaine résonnance au sein de l’armée, qui demeure divisée par le coup d’Etat de 2012, et pourra sans doute là aussi jouer un rôle, reste à savoir le traitement qui sera réservé à Sanogo&co.
Ce jeu politique radicalisera certainement ceux qui ont soutenu mordicus le Coup d’Etat de 2012, mais dans les urnes ils ne feront pas le poids, et il y a fort à parier également que l’Adema qui préparait la bataille de 2018, revoit sa stratégie et pense à basculer dans une large coalition RPM-PDES-ADEMA, suffisante pour remporter la mise. Quant au chef de file de l’opposition, ce dernier est coincé dans le costume de chef de l’opposition et se retrouve « contraint » d’assumer ce rôle jusqu’au bout, c’est-à-dire opposer une candidature à un Président IBK, qui si le scénario se passe comme mentionné ci-dessus arrivera quasi élu au premier tour.
Dans sa grande majorité la classe politique malienne est satisfaite de ce retour, cette nouvelle séquence que l’on presente comme un nouveau pas dans la réconciliation nationale à mettre au crédit du Président IBK, devrait accelerer les choses au plan politique, et conduire beaucoup à se prononcer plus tot que prévu sur leur positionnement par rapport à 2018, de craintes de louper le bon wagon. Pour paraphraser un grand Monsieur, personne de senser ne peut faire 2 mandats successifs dans l’opposition.