6 mois de présidence IBK

Il est toujours délicat d’établir un bilan après 6 mois d’exercice de la fonction présidentiel, car les premiers résultats ne sont pas encore visible, cependant les décisions prises, les actes posés permettent de savoir quelle direction prend le pays. Faire le bilan peut aussi être l’occasion pour le pouvoir en place de corriger le tir, de rectifier certaines trajectoires.

Sur le plan social, le bilan de IBK est assez mitigé, sans doute parce que il s’agit là d’un élément qu’il est assez difficile de bousculer. Comme chacun d’entre vous le sait, le pays a été durement éprouvé par la crise qu’il a traversée et notamment dans les régions du Nord, ou le tissu social a été déchiré, d’autant plus qu’il était déjà fragilisé par des années de banditisme et de règlement de compte entre milices, djihadistes, bergers et sédentaires.

Le dernier exemple en date étant la tuerie de Tamkoutat (Lien supplémentaire) qui a engendré la mort de plus de 80 personnes avec les représailles qui ont suivi. Dans les 3 régions du nord, la pauvreté est aigue et on se méfie encore de son voisin. La réconciliation entre les communautés n’a pas eu lieu et les assises du nord organisée à Bamako avec des représentants que la population rejette n’est pas pour arranger les choses. Certes il ne s’agit pas de la première rébellion, mais c’est la plus grave, et le sparadrap sur une plaie ouverte comme nous avions l’habitude de le faire par le passé ne sera pas d’une grande utilité.

Creuser des puits, ne fera pas revenir la paix entre les communautés, sans doute est-il temps de poser la question du vivre ensemble. Mettez-vous à la place de la femme violée qui voit revenir son violeur en ville en toute impunité, mettez-vous à la place du réfugié chassé car ses voisins l’accusaient d’être un rebelle (y a encore des milliers de réfugiés encore en Mauritanie, au Burkina Faso, Niger et Algérie) vous aurez ainsi une idée de la tâche à accomplir. On attend toujours des actes du ministère de la réconciliation nationale, de vrais actes.

La pauvreté  qui sévissait avant le coup d’état s’est accrue, la situation économique s’est détériorée et les élucubrations de certains qui disaient que le Mali pouvait survivre sans aides internationales n’y ont rien fait. Nous sommes aujourd’hui toujours en attente des 3 milliards promis par la communauté internationales, qui il faut le dire tombent au compte-goutte. Alors il est déplorable que l’on soit aujourd’hui toujours en train de quémander des sous comme des mendiants et si l’aide au développement aidait à se développer ça se verrait depuis le temps mais cet argent nous est vital et sachant cette dépendance, la marge de manœuvre du gouvernement reste étroite.

Des millions de jeunes sont aujourd’hui au chômage, et sans cette solidarité familiale caractéristique de notre pays on irait au-devant d’une catastrophe. Il est urgent de prendre en compte cette désespérance, car lors de l’arrivée des djihadistes à Gao, Tombouctou et Kidal, leurs premières recrues furent ces jeunes plongés dans une misère noire. Supposons que les Djihadistes soient arrivés à Bamako, quel jeune au chômage pourrait refuser un salaire de 200000 FCFA par mois? Sans épouser l’idéologie on peut faire partie d’un mouvement armé radical, peut être que beaucoup n’ont pas encore compris cela et continuent à nier la participation des locaux lors de l’occupation. Ces jeunes sont une main d’œuvre abondante et pas cher pour ces groupes.

Là aussi on attend plus de la part des autorités, car la jeunesse est la force d’un pays, avec un age médian à 16 ans contre plus de 40 pour la majorité des pays occidentaux,  la population malienne est très jeune et nous risquons de sacrifier tout une génération si des mesures d’urgence ne sont pas prises, on n’est plus au point de pouvoir se contenter de la solidarité familiale.

Quand on parle jeunesse, on parle éducation et le bilan des 20 dernières années est catastrophique, 1 seule université dans tout le Mali, achat de diplômes, clientélisme, l’université est devenu un grand business que se partagent les syndicats étudiants et les professeurs, rien n’est fait pour mettre fin à ce système, car il s’agit bien d’un système. Un pays qui n’investit pas dans sa jeunesse, dans l’éducation de ses jeunes, produits des cadres médiocres et cela se répercutera à plus long terme sur le fonctionnement du pays. Nous payons les erreurs des années 90 sans doute est-il temps d’éviter que les futures générations vivent ce que nous vivons, ne dit-on pas que gouverner c’est prévoir.

Sur le plan sécuritaire, la réforme de l’armée commence tout juste, il est donc difficile de porter un jugement la dessus, idem pour celle des services de renseignement. Ces réformes sont très importantes dans la mesure elles seront à la base d’un climat plus apaisé, et on le sait sans paix pas de développement possible.

Cependant on assiste depuis 6 mois à une réinstallation des groupes djihadistes, et toujours à l’occupation de la ville de Kidal, où le Mnla et ses acolytes règnent en maîtres. Des humanitaires sont enlevés d’autres roulent sur des mines et au moins une fois par semaine la ville de Gao est visée par des tirs d’obus. Si une violence sporadique étaient prévisibles, si personne ne s’est imaginé une seconde que l’intervention militaire allait tout régler, certaines choses étonnent quand même. Comment expliquer qu’avec les 6000 hommes de la Minusma, les 2000 de serval et les bataillons de l’armée malienne que des hommes armés puissent occuper ne fut-ce que temporairement la ville de Bamba à une centaine de kilomètres de Gao?

Les négociations avec les groupes rebelles sont tâtonnantes, et on entame péniblement les procédures de cantonnement de ces derniers, il est vrai que les procédures sont longues que le processus de normalisation prend du temps, la difficulté vient sans doute du fait qu’on ne voit pas de signe clair nous disant la direction dans laquelle nous allons. Si l’objectif est de gagner du temps et de miser sur la division chez nos adversaires, c’est raté. Le MAA dont personne ne voulait à Ouagadougou et qui a été imposé par le gouvernement malien est devenu un allié fidèle du Mnla allant jusqu’à remettre en cause le cantonnement.

Le Président a beaucoup voyagé, on parle dans son entourage de diplomatie afin de normaliser les relations diplomatiques, je crois qu’au bout de 6 mois le temps de la normalisation est dépassée, aujourd’hui on l’attend sur les gros chantiers.

La relance économique, la modernisation des infrastructures et des mesures favorisant la création d’activités notamment dans le secteur agricole. Sur le plan social, il s’agit de recoudre le tissu social, de remettre sur pied le secteur de la Santé de l’éducation et sécuritaire avec un retour à l’Etat de droit, bref qu’il applique son programme qu’on puisse en 2015 commencer à récolter les fruits de cette normalisation, à défaut nous nous dirigerons vers une grave crise sociale, les maliens ne supporterons pas un nouvel échec.

« L’honneur est comme les allumettes : ça ne sert qu’une fois.  »Marcel Pagnol  :))

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