Crise autour des autorités intérimaires et de la nouvelle architecture institutionnelle du Mali

L’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger dans son annexe 1 prévoit  « la mise en place, le cas échéant et au plus tard trois mois après la signature de l’Accord, des autorités chargées de l’administration des communes, cercles et régions du Nord durant la période intérimaire. Leur désignations, compétence et modalités de leur fonctionnement seront fixées de manière consensuelle par les parties prenantes».

C’est de cette disposition que sont nées lesdites autorités intérimaires, qui près d’une année après la signature de l’Accord peinent à être mise en place de lanière consensuelle.

Pour cela le Gouvernement a dû modifier le Code des Collectivités territoriales, et a pris le Décret N°2016-0332/ P-RM du 18 mai 2016 fixant les modalités de mise en place des Autorités intérimaires.

S’en suivra un protocole d’entente signé entre les parties signataires de l’Accord pour la mise en place des Autorités intérimaires le 20 juin 2015.

L’entente signée entre le Gouvernement et les parties, les engage surtout devant la Communauté internationale et reprend essentiellement les éléments figurant dans le Décret et la Loi.

L’Autorité intérimaire doit être chargée de l’administration provisoire d’une collectivité territoriale dans l’attente de la mise en place d’un conseil élu. L’objectif étant de  de garantir la continuité de l’administration dans les Collectivités territoriales.

 La mise en place d’une Autorité intérimaire se justifie par : la dissolution du Conseil de la collectivité territoriale ; la démission de tous membres d’un Conseil élu ; l’annulation devenue définitive de l’élection de  tous ses membres ; l’impossibilité de constituer le conseil de la collectivité territoriale, la non fonctionnalité du Conseil de la Collectivité quelle qu’en soit la cause.

Le non fonctionnalité d’une collectivité est  constaté lorsqu’il est établi par le Représentant de l’Etat que sur une période de 12 mois, l’Administration locale n’offre pas de services aux usagers, et/ou que le Conseil n’a pas tenu au moins 2 sessions.

En l’espèce depuis l’intervention Française en Janvier 2013 l’immense majorité des Collectivités territoriales du nord ont continué à travailler dans une forme de « normalité ».

Donc contrairement aux slogans çà et là il n’a jamais été question de remplacer tous les Conseils élus au Nord par des autorités intérimaires. Cela reviendrait à largement violer la Loi.

Cette disposition présente dans l’Accord n’avait pas pour objet le partage du pouvoir, mais d’assurer la continuité des services sociaux dans les zones où l’Etat n’était plus présente mais où les groupes armés était présent. L’idée était que les 3 parties ensemble contribueraient à créer les conditions de retour des réfugiés et déplacés dans ce zones grises.

Le mandat des élus locaux a été prorogé à plusieurs reprises, et parallèlement le Gouvernement travaille sur le Projet de loi sur la libre administration, une modification du code électorale et du code des collectivités territoriales ainsi que de la Constitution pour pouvoir prendre en compte les dispositions prévues par l’Accord.

Le timing de mise en place des AI est mauvais, le Gouvernement à tarder à agir sur ce dossier, et a créé des méfiances. Les élus comme les populations ont l’impression que le partage de pouvoir au niveau des Collectivités territoriales a été fait après des petits arrangements d’arrières boutiques.

Aujourd’hui il parait très compliqué d’organiser des élections avant la modification de la Loi électorale et du code des collectivités territoriales, or c’est un travail difficile à accomplir, de plus l’Opposition a d’ores et déjà boycotté la Commission chargée de la relecture de la Loi électorale.

En réalité l’Accord modifie tout l’architecture institutionnelle du Mali (Création du Sénat, Régionalisme etc…) et le Gouvernement semble manquer de leadership pour mener à bien ce travail. Il semble plus que jamais nécessaire de sortir du schéma de discussion ‘Gouvernement-CMA-PFM pour impliquer les populations locales.

A force de vouloir négocier dans les couloirs, la régionalisation préconisée par l’Accord laisse peu à peu place au régionalisme, chaque communauté se méfiant des parties à l’Accord se lance dans des revendications régionalistes et des manifestations communautaristes.

La violente manifestation de ce jour à Gao (4 morts et 31 blessés) illustre malheureusement cette mauvaise manière de mettre en oeuvre l’Accord. Les revendications contre les Autorités intérimaires et la politique de DDR démontrent à souhait qu’il faut marquer une pause et prendre un chemin plus ouvert et consensuel.